Quand Louise Cousineau ou Réjean Tremblay se pointaient dans la salle de rédaction de La Presse, elle en fumant, lui avec son casque de moto, on sentait toujours un courant d’agitation chez les journalistes, une sorte de fébrilité mêlée à de l’admiration et à un peu de jalousie, oui.

Ces flamboyantes vedettes de l’information, comme Nathalie Petrowski et Pierre Foglia, débarquaient et elles parlaient fort (surtout Réjean au cellulaire), se choquaient (Nathalie, bien sûr !), pestaient contre des collègues rivaux (tous coupables !), racontaient des potins juteux (allô, Louise !) et commandaient l’attention à dix mètres à la ronde.

Moi, ça m’impressionnait tout le temps. Voir que je respirais le même air que Nathalie, Pierre, Réjean et Louise que je lisais depuis tant d’années. Impossible !

Le star-système médiatique a changé depuis le passage de ces légendes du commentaire d’actualité. Et de tels personnages plus grands que nature n’existent plus, à part peut-être Patrick Lagacé, dont le visage tapisse les énormes affiches du 98,5 FM en bordure des autoroutes.

Beaucoup plus nombreux qu’à l’époque où l’internet n’existait pas, les chroniqueurs d’aujourd’hui boivent des vins d’artisan, ne fument plus de clopes et courent des marathons partout en Amérique du Nord (bonjour, Yves !).

Constat : la profession s’est assagie, assainie et penche du côté de l’hyperperformance multiplateforme : qui a le temps de partir sur la brosse à la bière tiède de taverne, un soir de semaine, quand il y a trois chroniques à rédiger, deux émissions à coanimer et un jus vert à presser ?

Sur Apple TV+, The Morning Show La matinale, en version française – présente un type de star du journalisme qui n’existe pas ici, le journaliste multimillionnaire, toujours super occupé et en santé, qui porte une chaîne d’information complète sur ses épaules.

Malgré ses défauts, j’ai avalé d’une traite les dix épisodes du troisième chapitre de The Morning Show, privilège de chroniqueur qui aime les vins naturels pas trop funky, mais qui n’obsède pas sur ses statistiques sur Strava. Il s’agit de la meilleure saison des trois, avec une touche de Succession pas désagréable du tout.

Toujours campée au cœur du service de l’information de la chaîne fictive UBA, la grande intrigue de The Morning Show 3 concerne un techno milliardaire de type Elon Musk ou Jeff Bezos, joué par Jon Hamm, qui tente de s’acheter un réseau de télé, entre deux voyages dans une fusée en forme de pénis. Une image parlante.

En parallèle, une attaque informatique sur les serveurs de la station UBA expose tous les courriels et textos de ses employés, dont ceux, très compromettants, de la présentatrice vedette Bradley Jackson (Reese Witherspoon), qui baigne dans l’eau chaude de la grosse tasse servant de décor à l’émission fictive The Morning Show.

Mes deux personnages préférés demeurent le patron baveux et ratoureux Cory (Billy Crudup, qui vole la vedette) ainsi que la directrice de l’info Stella (Greta Lee), dont le temps d’antenne a finalement été bonifié, quelle femme fascinante.

Maintenant animatrice sur la plateforme UBA+, Alex Levy (Jennifer Aniston) sort (enfin) de la tourmente du #moiaussi, mais tombera dans une autre controverse à propos de la propriété des médias et de l’indépendance des salles de nouvelles, des enjeux que cette série scintillante rend plus palpitants qu’un congrès de la FPJQ, mettons.

Un scandale de discrimination raciale, où des salariés noirs gagnent moins que leurs confrères blancs, remontera également jusqu’au conseil d’administration, toujours dirigé par l’impériale Cybil (Holland Taylor), qui cache des squelettes dans sa boîte courriel, tiens, tiens.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Les journalistes Isabelle Richer, Marie-Maude Denis et Patrice Roy

Toujours dans la télé de journalistes, RDI présente le jeudi 5 octobre à 20 h le premier épisode de sa docusérie Les stagiaires, qui suit six reporters en apprentissage du métier de Céline Galipeau et de Sophie Thibault.

Aux commandes des huit épisodes d’une heure, Marie-Maude Denis d’Enquête incarne la mentore idéale : bienveillante, investie, drôle, brillante, ce rôle lui sied à merveille.

Même chose pour les juges-évaluateurs Isabelle Richer et Patrice Roy, jamais méchants, mais justes et pertinents dans leurs remarques, on aime les voir dans un cadre moins formel qu’un bulletin de nouvelles.

Cela dit, le premier épisode des Stagiaires, qui montre le camp de sélection des recrues, est long et s’attarde à des candidats qu’on ne reverra plus de la saison. Il aurait fallu sauter sur le terrain plus rapidement.

Et contrairement à La une ou De garde 24/7 à Télé-Québec, Les stagiaires reste trop dans la théorie et ne soumet pas assez ses reporters à l’épreuve du feu. Oui, les petits nouveaux simulent un mini-Téléjournal au sixième épisode, il reste que cet exercice ne recrée pas la pression intense de fabriquer un vrai bulletin télévisé. Tout ce qu’ils ont produit n’a jamais été diffusé ou mis en ligne par Radio-Canada.

Aussi, on répète souvent à ces stagiaires l’importance de la rigueur ! de l’exactitude ! de l’impartialité ! de la concision ! et de l’équilibre ! ce qui sonne, à la longue, prêchi-prêcha.

Les meilleurs moments des Stagiaires arrivent quand les reporters expérimentent des trucs super concrets. Du genre : comment raccourcir un texte de 15 secondes, comment contourner un relationniste contrôlant, comment maîtriser son langage corporel à la caméra ou comment ajuster son sourire selon la gravité des nouvelles qu’on lit au télésouffleur.

Ça, et les conseils de Patrice Roy et d’Isabelle Richer, j’en aurais pris davantage. Un peu plus de pratico-pratique, un peu moins de cours théorique, merci.