Vendredi dernier, par curiosité, j’ai voulu assister de façon virtuelle au point de presse portant sur les droits de scolarité qui seront imposés aux futurs étudiants qui viendront étudier en anglais dans nos universités.

Dans le communiqué, on disait que les journalistes qui voulaient assister à l’évènement devaient s’inscrire. Ce que j’ai fait. Quelle ne fut pas ma surprise de me faire dire dix minutes plus tard qu’il fallait que j’aille sur les pages Facebook des deux ministères concernés, soit celui de la Langue française et celui de l’Enseignement supérieur.

Or, je n’ai plus de compte Facebook.

J’ai réécrit aux attachés de presse, et on m’a confirmé que c’était le seul moyen pour les journalistes qui ne pouvaient être sur place de prendre part à cette conférence de presse.

Cette situation est complètement aberrante ! D’un côté, les gouvernements affirment qu’il faut livrer un combat sans merci contre ces géants du numérique qui s’opposent à l’entrée en vigueur de la Loi sur les nouvelles en ligne (C-18) et, de l’autre, on continue à nourrir le monstre qui écrase les médias canadiens et anéantit notre identité culturelle.

Il y a quelque chose qui ne marche pas dans cette affaire !

Cette insouciance du milieu politique, on a pu également l’observer lorsque Québec solidaire a refusé de stopper ses placements publicitaires chez Meta lors de la récente élection partielle dans Jean-Talon.

Et puis-je vous parler des animateurs et animatrices (des radios et télés publiques et privées) qui nous renvoient constamment sur la page Facebook de leur émission pour qu’on s’inscrive à un concours ou qu’on obtienne des informations ?

Quand est-ce qu’on va comprendre que l’idée n’est pas de diriger le public vers ces géants, mais de faire le contraire ? On doit se servir d’eux pour amener les lecteurs, les auditeurs ou les téléspectateurs dans l’environnement des médias.

À ce sujet, vous m’écrivez souvent pour me dire que vous êtes déçus de ne plus pouvoir partager des articles de La Presse sur Facebook. Vous me demandez aussi ce que vous pouvez faire pour nous aider. Rien ne vous empêche de créer un buzz autour d’un reportage ou une chronique en invitant vos « amis » à venir lire le résultat.

Un truc du genre : « Ça vaut vraiment la peine de lire la chronique de Francis Vailles ce matin dans La Presse ! » (Ne me remercie pas, Francis !)

Mais revenons à nos moutons !

Cette habitude de retransmettre des évènements de presse sur Facebook a pris une grande ampleur durant la pandémie. C’était un moyen pratique et facile. Plusieurs organismes et ordres de gouvernement ont conservé cette manière de faire, malgré la crise qui secoue le monde des médias en ce moment.

N’avez-vous pas l’impression qu’on tourne solidement en rond ? Pendant qu’on fait une chose et son contraire, les patrons de Meta rient dans leur barbe en nous voyant mener une guerre désorganisée qui souffre d’un manque de solidarité.

On a appris récemment que Google songe aussi à empêcher le partage du contenu provenant des médias canadiens. Si c’est le cas, le gouvernement fédéral va avoir besoin d’un appui inconditionnel du monde des médias et du public pour maintenir son bras de fer avec les GAFAM.

Il faut prendre cette situation très au sérieux et ne pas attendre l’avis nécrologique d’un autre journal ou la mutilation d’une salle de rédaction. Il y a des habitudes à casser, des gestes à faire qui devront aller au-delà d’une simple journée de boycottage de Facebook.

Quand je vois le premier ministre du Canada utiliser Instagram, propriété de Meta, pour annoncer sa séparation, je me dis qu’il y a du gros travail à faire. Pourquoi Justin Trudeau n’a-t-il pas relayé un bon vieux communiqué de presse rédigé par une firme de relations publiques ?

À force de vouloir être de son temps, on en arrive à tuer son époque.

J’ai pris la décision de quitter Facebook le samedi 12 août à 8 h 30. Je me suis levé en me disant que je ne pouvais pas m’apitoyer sur le sort des journaux Métro (le sujet de ma chronique cette journée-là), dénoncer l’attitude de Meta (Facebook, Instagram) et continuer de nourrir cette bête qui nous étrangle.

C’est donc à regret que j’ai quitté mes 5000 « amis » Facebook sans leur faire de vrais adieux. J’en profite pour m’excuser auprès de ceux qui pensent que je les ai « bloqués ».

C’est dommage, car j’aimais bien échanger sur des sujets sérieux ou futiles avec cette communauté de gens qui me ressemblaient. Certains vont s’ennuyer de mes photos de sapins de Noël hideux.

Mais bon, il fallait que je sois conséquent avec mes idées.

Si jamais vous imitez mon geste, sachez que ce n’est pas facile de déserter le navire. Selon l’appareil que vous utilisez (cellulaire, tablette, ordi), il y a tout un dédale que les concepteurs de Facebook ont brillamment imaginé pour vous décourager.

Comme la patience n’est pas l’une de mes vertus, je me suis énervé et j’ai finalement appuyé sur le bouton « suppression du compte pour cause de décès ». Dix secondes plus tard, la panique s’est emparée de moi !

J’imaginais une photo de mon visage entouré d’un halo flou à côté d’une brassée de roses blanches avec la mention « Mario Girard : 1961-2023 ». J’imaginais surtout ma mère s’étouffer dans son café en prenant connaissance de cette annonce.

Un ami m’a tout de suite rassuré : « Ne t’inquiète pas, fermer la page Facebook d’un défunt est archi-compliqué. Il faut faire parvenir une preuve de décès. »

Vous voyez, même mort, Facebook souhaite encore vous avoir comme ami !