Était-ce l’émotion ? À sa 18e et ultime animation du gala de l’ADISQ, selon ses propres dires, Louis-José Houde s’est moins abandonné qu’à l’habitude à ses délires de faux dandy, dimanche soir à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. On a eu droit à un LJH plus solennel, à l’image de son élégant veston croisé.

Davantage dans l’introspection, la retenue et la confidence, il a autant fait rire que réfléchir. Notamment en conclusion du gala, alors que sur une note mélancolique, il a cité Jim Corcoran (« Une langue qui est chantée est une langue vivante ») afin de mettre en garde contre la menace du rouleau compresseur anglo-saxon sur la culture franco-québécoise. « Une langue, ça peut mourir », a-t-il rappelé sur le ton, pas du tout guilleret, du réquisitoire.

Pendant son très attendu monologue d’ouverture, il a aussi rendu hommage avec émotion à Karl Tremblay, des Cowboys Fringants, atteint d’un cancer, et au regretté Guy Latraverse. « Le père du champagne showbiz n’est plus, mais la fête continue », a dit l’animateur en rappelant sa formule devenue célèbre ainsi que des pans de l’histoire du gala de l’ADISQ et de la carrière de Latraverse.

Il avait bien sûr des blagues dans sa manche. Il a raillé gentiment les artistes de l’industrie musicale, de plus en plus nombreux. « Il y a trop de découvertes, pas assez de retraites », a-t-il prétendu, en proposant d’éliminer dix artistes par année, selon la pertinence. « De qui on n’a pas besoin ? Par exemple… » Il n’a, évidemment, nommé aucun nom, son genre n’étant pas celui de Ricky Gervais. « Il n’y a pas de pénurie de main-d’œuvre en musique », a-t-il ajouté plus tard dans la soirée, au piano-bar, en se remémorant quelques anecdotes de ses 18 ans à l’animation.

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Ginette Reno et FouKi durant le numéro d'ouverture

« Un dernier gala ? Pourquoi ? Parce que j’ai épuisé le bassin de blagues sur FouKi. Je laisse ça à Ginette », a offert pour toute explication de son départ Louis-José, après le numéro d’ouverture étonnant de ce 45e gala de l’ADISQ. Ginette Reno, en voix, accompagnant FouKi (qu’elle avait rebaptisé Funky l’an dernier) et ses danseurs en lamé argent à la fin de la chorégraphie de 80’s, une chanson en franglais qui a sans doute fait friser quelques oreilles sensibles.

Louis-José Houde aime la musique. Il connaît la musique. Sa mélomanie est évidente depuis ses débuts à la barre du gala de l’ADISQ, même s’il a avoué dimanche que ce n’était pas son amour de la musique, mais son amour de la langue française qui l’avait incité à accepter de succéder à Guy A. Lepage en 2006.

On a vu, dans d’autres cérémonies de remises de prix, des animateurs qui semblaient y avoir été parachutés. Parce qu’ils ont de l’humour, de la repartie, du répondant. Louis-José a tout ça, bien sûr. Il a souligné spontanément, après que Ginette Reno a déclaré avoir « trouvé un ami » chez Jean Coutu (où son album et sa biographie sont vendus en exclusivité), qu’elle avait encore provoqué, pour la deuxième année consécutive, un plus gros rire dans la salle que lui.

J’ai de mon côté éclaté de rire lorsque ce papa d’un bébé de 10 mois a prétendu qu’il animerait le gala du cinéma « juste pour avoir une autre soirée d’adultes ». C’est drôle parce que ce n’est pas vrai…

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Louis-José Houde a, une fois de plus, animé avec brio le gala de l’ADISQ.

Louis-José Houde a su trouver, pendant 18 ans, le parfait dosage entre l’hommage, la taquinerie et le bien-cuit des artistes en lice. On l’a dit et redit : il prenait son animation du gala de l’ADISQ très au sérieux et y consacrait bien des efforts. Il y accordait toute l’importance que son professionnalisme et son privilège d’être un artiste au succès phénoménal lui octroyaient.

Il rodait au préalable ses numéros en public pendant des semaines, justement parce que ceux-ci étaient destinés au public, et non pas seulement aux artistes ni à l’industrie. Il n’animait pas une réunion professionnelle entre initiés, mais un gala télévisé destiné à tous les Québécois. Ses intentions ont toujours été claires.

Louis-José Houde est arrivé au gala de l’ADISQ en remplaçant de luxe, Véronique Cloutier ayant claqué la porte à quelques semaines de l’évènement, en raison d’un différend artistique. Ce ne fut pas un long fleuve tranquille. Au plus fort de la COVID-19, les cotes d’écoute ont chuté. Mais jamais, de mémoire, l’animateur n’a essuyé de mauvaises critiques. L’an dernier, il a relevé le défi malgré une hernie discale, un cocktail d’antidouleurs et la script-édition de François Avard.

Comme il le disait à mon collègue Dominic Tardif ce week-end, la pression du sans-faute devenait de plus en plus grande. Est-ce cette légère hésitation que j’ai perçue dans son animation par ailleurs impeccable dimanche soir ? Imaginez la pression de celui ou celle qui prendra le relais ? On n’aimerait pas être dans ses souliers… « Je ne vois personne d’autre que Dominique Michel », a lancé à la blague Robert Charlebois en début de gala.

Il y a un an, lorsque Radio-Canada – particulièrement porté sur l’autopromotion dimanche – a annoncé que le diffuseur public rompait ses liens avec le Gala Québec Cinéma, la directrice générale de la télévision, Dany Meloul, a déclaré en entrevue : « À travers le monde, les galas sont moins prisés par le public. La notion de regarder une remise de prix à la télévision ne marche plus. »

Inévitablement, avec le départ de Louis-José Houde se pose avec encore plus d’acuité la question de l’avenir des galas télévisés. Ce sont, encore et toujours à mon avis, des vitrines essentielles de notre culture nationale. Grâce aux numéros musicaux du gala de l’ADISQ, je suis convaincu que plusieurs ont découvert dimanche les finalistes de la catégorie « Révélation de l’année » (Bibi Club, Calamine, Francis Degrandpré, Kanen et Jeanick Fournier), voire le classique des classiques du hip-hop québécois, La Vi Ti Neg de Muzion, livré de manière irrésistible sur la scène de la salle Wilfrid-Pelletier.

L’ensemble des prestations était de bonne tenue, du duo d’Alexandra Stréliski et Daniel Bélanger à celui de Patrick Norman et Martine St-Clair, en passant par Clay and Friends et Pierre Kwenders, Maten avec Black Bear, Loud et Raccoon ou encore Salebarbes.

Une bonne partie du succès du gala de l’ADISQ s’explique par ses numéros musicaux. Il y a aussi le fait de limiter à seulement dix le nombre de prix remis, dans des catégories de pointe susceptibles d’intéresser le grand public, pas seulement l’industrie ou ceux qui suivent de très près l’actualité musicale québécoise.

Il reste qu’une grande partie du succès du gala revient, depuis 18 ans, à Louis-José Houde lui-même. On attendait toujours son monologue d’ouverture avec impatience. Il donnait le ton au reste de la soirée. Il faudra désormais faire sans.

« J’ai peur du prochain gala sans Louis-José », a résumé pour nous tous Marie-Annick Lépine, des Cowboys Fringants, qui célébrait dimanche ses 45 ans, tout comme le gala de l’ADISQ. Elle a salué son amoureux Karl et leurs deux filles, restés à la maison. Ce fut le moment d’émotion de ce gala mené rondement, sans grands épanchements.

Moi aussi, j’ai peur du prochain gala sans Louis-José. En espérant que pendant encore bien longtemps, comme l’aurait souhaité Guy Latraverse, on puisse célébrer notre showbiz. Avec ou sans champagne.

Appel à tous

Qui verriez-vous succéder à Louis-José Houde à la barre du gala de l’ADISQ ?

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