À cœur battant n’épargne pas le cœur de ses 1 024 000 téléspectateurs avec des histoires de femmes « punies » à coups de pied dans le ventre, de tibias éclatés au bâton de baseball et d’un homme gai battu à mort, par son conjoint, dans un bain à remous.

La pauvre Noémie Cloutier (Stéphanie Desrochers) a également été torturée sexuellement par son copain adepte de BDSM, qui l’a brûlée, étranglée et soumise à des pratiques inhumaines impliquant des objets insérés « dans tous les trous de son corps ».

On regarde ces cas extrêmement durs et on les trouve épouvantables, tragiques et brise-cœur. Mais on endure, on ravale notre colère.

Dans les trois dernières semaines, le téléroman À cœur battant a abordé un autre type de violence qui, cette fois-ci, a très mal passé auprès du public de Radio-Canada : celle envers les animaux.

« J’aime cette série, mais je trouve que ce n’est pas nécessaire de nous présenter les pires cruautés », m’a écrit une lectrice fâchée.

Des messages similaires, j’en ai reçu une ribambelle. « Je ne suivrai plus les épisodes d’À cœur battant. Celui d’hier avec le chien martyrisé, c’est la goutte de trop », m’a signalé une autre téléspectatrice, outrée par le sort atroce réservé aux trois adorables chiens de la perdue et confuse Clémence Boivin (Camille Massicotte).

Comme des milliers d’entre vous, j’ai eu cette même réaction courroucée dans mon salon : Seigneur, lâchez ces pauvres labradors innocents, qui ont été drogués, puis frappés avec une pelle, avant d’être euthanasiés. Ils ne méritent pas ça, sauvez-les, cibole !

L’épisode de mardi, déjà en ligne sur l’Extra de Tou.tv, est encore plus difficile à visionner, car il explore – sans le montrer de façon explicite – ce qui se déroule dans le sous-sol à la Dexter de l’étrange psychoéducateur Arthur Fortin (Mickaël Gouin) et de sa compagne soumise Clémence.

Les gémissements et plaintes de douleur des chiens, honnêtement, c’est limite tolérable. Et nos réactions épidermiques à ces scènes sont extrêmement confrontantes, je trouve.

Pourquoi réagissons-nous aussi vivement à de la maltraitance canine alors que notre niveau d’indignation ne grimpe jamais aussi haut quand un être humain meurt dans la même série ? C’est troublant, en y pensant bien. Le chien persécuté a suscité plus de révolte que la femme tuée.

L’auteure Danielle Trottier, très présente sur les réseaux sociaux pendant la diffusion d’À cœur battant (le mardi à 20 h), n’a pas reçu un seul message de gens furieux de l’assassinat d’Éloi Parenteau (Alex M. Dauphin), frappé à mort par son amoureux (Guillaume Perreault). Une séquence crue, brutale et pénible à voir.

Par contre, à la minute où il a été question du chien malmené de Clémence, l’insurrection a grondé sur X et Facebook. Je boycotte l’émission, c’est fini pour moi !

« Lors de la première semaine, des téléspectateurs ont trouvé ça effrayant, oui. Puis ils se sont autorégulés entre eux, ils ont compris où l’histoire se dirigeait. Dans À cœur battant, je parle de violence et les animaux souffrent aussi de la violence intrafamiliale. On a fait attention de ne jamais montrer les chiens se faire battre. Et c’est du faux sang », raconte la scénariste Danielle Trottier.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

La scénariste d’À cœur battant Danielle Trottier

Qui s’attaque aux chiens prénommés Luc, Mario et Léo au sein de ce couple maudit et, surtout, pourquoi ? La réponse sortira mardi et elle braque les projecteurs sur un comportement méconnu, vous verrez. Il y a beaucoup de recherche derrière les personnages tordus d’À cœur battant.

« Moi, j’expose des faits et je fais confiance aux téléspectateurs », précise l’auteure Danielle Trottier.

À la télévision québécoise, l’hypersensibilité à la cruauté animale ne date pas d’hier. Rappelez-vous, à l’hiver 2005, quand Junior Bougon (Antoine Bertrand) s’était assis sur un chat et qu’il avait ensuite dépecé le cadavre, dans les toilettes, pour s’en débarrasser. L’auditoire et la SPCA avaient grimpé dans les rideaux.

À cœur battant regorge de personnages complexes et tourmentés que l’on apprivoise lentement, comme les frères Patrick (Jean-Nicolas Verreault) et Christophe L’Allier (Roy Dupuis), dont les traumatismes d’enfance – et leur mère indigne (Micheline Lanctôt) – pourrissent encore leur vie au quotidien.

Le policier Patrick en arrache et il implante, lui aussi, un climat de domination toxique dans le foyer qu’il a fondé avec l’intervenante Roxanne (Catherine Paquin-Béchard). Drapeau rouge, fois mille.

J’aime beaucoup l’agente Morgane Harel (Élodie Bégin) et son acolyte Fabien Gauthier (Maxime Mailloux), des policiers consciencieux, dévoués et rigoureux. Tout le contraire de l’antipathique Éloïse Pelletier (Catherine De Léan), que l’on se plaît à haïr. Quelle femme détestable, dénuée de toute forme d’empathie.

Et vous avez sûrement remarqué que le conjoint meurtrier d’Éloi Parenteau, qui se fait désormais appeler Pierre Bélanger (Guillaume Perreault), rôde autour du Centre de prévention de la violence de Christophe.

La nouvelle intervenante, Michelle Bédard (Océane Kitura Bohémier Tootoo), détectera un truc qui cloche chez cet homme lugubre. Mais pourquoi n’a-t-il pas encore été arrêté par la police ?

« Ne vous inquiétez pas, je ne l’ai pas oublié », assure Danielle Trottier.

On l’aura à l’œil. Lui et le père contrôlant de l’adolescente Amada Botha (Michaëna Benoit). On est dans le jus à force de surveiller autant de monde détraqué.