Il y a des questions pressantes à régler à propos de la finale volontairement ambiguë d’Avant le crash et l’alerte au divulgâcheur, qui hurle ici comme un banquier lessivé sur le toit de la Caisse de dépôt et placement, enjoint aux retardataires de quitter immédiatement cette discussion passionnante.

C’est bon ? Placotons entre initiés. Alors, que pouvait-on lire sur le visage de François (Émile Proulx-Cloutier), posté à la fenêtre de son centre de rétablissement, quand il a aperçu Marc-André (Éric Bruneau) avec son fils Denis dans les bras ? Bouillait-il ? Ourdissait-il un (autre) plan pour punir son ex-femme Évelyne (Karine Vanasse) ?

Autre truc nébuleux à élucider : Marc-André et Évelyne, qui ont toujours éprouvé une forte attirance l’un pour l’autre, forment-ils un couple ? Quand il a refusé de démissionner de la firme Olstrom, Marc-André a clairement dit à Évelyne qu’il l’aimait.

Les réponses, maintenant, fournies par Kim Lévesque Lizotte, la coscénariste avec Éric Bruneau de cette excellente télésérie de Radio-Canada. D’abord, non, François ne planifiait pas un meurtre et il n’est pas devenu psychopathe.

« François est troublé, il est confus. Il se demande ce que font Évelyne et Marc-André ensemble. On laisse planer l’idée qu’il se sent trahi », confie Kim Lévesque Lizotte.

Ensuite, non, Marc-André et Évelyne ne sortent pas ensemble. « Ils se sont réconciliés. On comprend que Marc-André est là pour Évelyne, mais ils sont dans une période de flou. Ce qui nous intéressait, c’était de montrer le regard que porte Évelyne sur Marc-André et son bébé Denis. Est-ce que son avenir pourrait ressembler à ça ? Est-ce qu’elle s’est trompée ? », poursuit Kim Lévesque Lizotte.

Éric Bruneau et Kim Lévesque Lizotte brassent actuellement des idées pour concocter une troisième saison d’Avant le crash, qui n’aboutira pas en ondes avant 2025, il faudra patienter.

Les deux auteurs ont demandé un délai à Radio-Canada pour pousser les recherches et développer les quêtes de leurs personnages, complexes et faillibles. « Ça nous demande de la réflexion. Qu’est-ce qu’on a envie de dire sur notre société ? On veut aussi rester dans l’air du temps », constate Kim Lévesque Lizotte, qui a également été couronnée, lundi, grande gagnante du jeu musical La guerre des fans sur les ondes de Noovo. Grosse soirée pour elle !

J’ai beaucoup aimé cette deuxième saison d’Avant le crash, une œuvre moderne, punchée, fouillée et dépliée sous forme de thriller sociofinancier. Émile Proulx-Cloutier (donnez-lui un Gémeaux !) a été formidable dans la peau d’un homme violent, qui a dégringolé au fond du baril, au point de kidnapper son propre enfant.

Les parents de François, joués par Normand Chouinard et Dorothée Berryman, ont permis d’explorer les racines de son ambition dévorante, qui cachait des carences, de l’insécurité chronique et un désir malsain de plaire (à son père). Les intrigues entourant François, qui a tout perdu cet automne, ont été les plus percutantes d’Avant le crash 2.

Malgré ses bonnes actions (en surface) et son côté sauveur, Marc-André a été « un des pires » du quatuor, rappelle Kim Lévesque Lizotte.

Marc-André pense juste à lui. Il justifie toujours ses actions par rapport à des choses très nobles. C’est un égoïste.

Kim Lévesque Lizotte

La maman de Marc-André, campée par Annick Bergeron, le lui a bien rappelé avant de s’envoler en Floride avec l’homme qu’elle « a crossé aux cartes », dixit Marc-André. Ce volet de jeu illégal à la résidence pour personnes âgées a été savoureux.

Dans ce dixième et dernier épisode, la scène de confrontation où Évelyne a enguirlandé Marc-André dans le parc a été épique. Gelée au Concerta, droguée au stress de performance, Évelyne est devenue, comme Marc-André, la pire version d’elle-même. Leçon à retenir ? Le pouvoir corrompt, peu importe le sexe de la personne assise dans le fauteuil du patron.

Après un épuisement professionnel et un quasi-divorce, le sympathique Patrick a obtenu une fin heureuse, digne de son meilleur trip de champignons magiques. Lui et sa femme Marie-Michèle (Myriam Fournier) ont tout vendu pour s’installer dans le Grand Nord, un projet familial repoussé dans la première saison, qui avait causé une douloureuse fracture dans le couple.

PHOTO BERTRAND CALMEAU, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Marc-André (Éric Bruneau) et Florence (Irlande Côté)

Le riche Vincent (Benoit Drouin-Germain) a aussi remonté la pente. De douchebag sur le party perpétuel à Mont-Tremblant, il a bouclé sa saison en sauvant la banque alimentaire où sa belle-fille Florence (Irlande Côté) effectuait ses travaux communautaires.

Attention, Vincent n’a pas non plus été béatifié par les deux scénaristes. On a compris qu’il a couché avec la philanthrope Isabelle (Karine Gonthier-Hyndman), une façon ultime de se venger de son ami Marc-André, qui avait gagé sur l’assurance vie de son père (Marc Messier).

Il y a eu de très beaux personnages secondaires dans Avant le crash, dont ceux de la milléniale éveilleuse de conscience Clara (Valérie Tellos), de l’avocate en mode rédemption Dominique (Marie-France Marcotte) et du directeur Michel Taschereau (Pier Paquette), qui a finalement imbriqué sa vie personnelle à son travail.

Une suggestion, en terminant, pour Avant le crash 3 ? Peut-être se débarrasser de la narration faite par le banquier Marc-André. Ces monologues alourdissent le récit et sonnent parfois un peu prêchi-prêcha. Comme si on entendait Catherine Dorion pérorer à Tout le monde en parle au sujet de la sixième extinction de masse et des ravages du néolibéralisme. Soupir, roulement des yeux.