Apparemment, beaucoup de fidèles de Tout le monde en parle hurlent et s’arrachent des poignées de cheveux dès que le coanimateur MC Gilles décoche une flèche à un artiste bien aimé ou qu’il égratigne une personne influente à la grand-messe télévisuelle de Radio-Canada.

Après ses échanges musclés avec la mairesse Valérie Plante dimanche soir, des discussions justifiées et polies, je le précise, MC Gilles a été joliment poivré sur X et Facebook. Les reproches ? Il a trop brassé la cheffe de Projet Montréal, il a été insolent, arrogant, irrespectueux et de mauvaise foi.

Aussi, le sourire baveux de MC Gilles, 50 ans, a dérangé plusieurs téléspectateurs, qui ont jugé que l’acolyte de Guy A. Lepage intervenait trop dans les entrevues.

Le même type de remarques fâchées a pullulé quand MC Gilles a croisé le fer avec le cinéaste Denys Arcand, début octobre. Comme si le public rejetait en bloc toute forme de débat ou d’inconfort. Comme si la télévision qui grince irritait davantage qu’il y a 20 ans, quand Tout le monde en parle a atterri sur nos ondes.

Pierre-Yves Lord, Alexandre Barrette, Kim Lévesque Lizotte, Marie-Lyne Joncas et MC Gilles ont secondé Guy A. Lepage cet automne. Mais c’est MC Gilles, et de loin, qui a le plus dérangé, probablement parce qu’il se colle davantage à la fonction de fou du roi, inscrite dans la bible française de Tout le monde en parle.

« Je polarise beaucoup. Les gens qui m’aiment, m’aiment trop. Les gens qui me haïssent, me haïssent trop. Mon rôle, je le vois plus comme l’avocat du diable. Il faut challenger les gens. Quand quelqu’un ne répond pas ou qu’il répond vaguement, je reviens à la charge. Je ne suis pas complaisant. Tu ne me prends pas si tu ne veux pas de grafignage. Cette job-là, c’est une job de punching bag. Je sais que Dany Turcotte en a beaucoup souffert », m’explique MC Gilles, alias Dave-Éric Ouellet, en entrevue.

Difficile de contredire MC Gilles là-dessus. En tant qu’habitué, j’adore quand une édition de Tout le monde en parle renferme des moments corsés où il se passe des choses inhabituelles, qui sortent du cadre, disons, plus indulgent.

Avec les semaines mouvementées – euphémisme ! – qu’elle a traversées, Valérie Plante savait que son passage à Tout le monde en parle ne serait pas doux ni agréable. La mise en scène des huîtres et du champagne n’était pas tant nécessaire, mais bon, l’image a frappé fort et MC Gilles ne le regrette pas, même s’il admet que ce geste était un brin populiste.

Et demander à la mairesse, élue par les Montréalais, si elle a le contrôle de sa ville n’a rien de déplacé ou d’effronté. C’est juste légitime.

Officiellement, le travail de fou du roi à Tout le monde en parle a été aboli avec le départ de Dany Turcotte, en février 2021. La personne qui accompagne Guy A. Lepage porte le titre de coanimateur.

« Au début, le fou du roi envoyait des vannes et des vacheries. On n’est plus là du tout. Et ce n’est pas le mandat que l’on donne aux coanimateurs », précise le coproducteur de Tout le monde en parle, Guillaume Lespérance.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

MC Gilles et Janette Bertrand, dans un moment « indulgent » de l’émission Tout le monde en parle

Vrai, les premières saisons de Tout le monde en parle contenaient davantage de matériel corrosif. « Je suis à peu près à 10 % de ce que Laurent Baffie faisait à Tout le monde en parle en France », estime MC Gilles, qui affirme se mettre à la place des téléspectateurs à la maison quand il pose des questions salées.

Il faut dire que depuis la pandémie, le « monde est pas bien », pour citer le collègue Patrick Lagacé. À la moindre contrariété, les gens vomissent leur fiel – ou leur caca, comme Kevin dans STAT – sur l’internet. Il faut se boucher le nez quand on se branche sur la plateforme X. C’est moins heavy sur Facebook, mais jusqu’à quand ?

C’est peut-être ce qui explique que la télé québécoise s’éloigne de plus en plus de ce qui pourrait chambarder le consensus et déclencher des tempêtes médiatiques. Les patrons des chaînes détestent les controverses, qui rebutent également les annonceurs, qu’il ne faut surtout pas effrayer en période de crise.

Quand il a reçu Ginette Reno le 29 octobre, Guy A. Lepage a également été accusé d’avoir été méchant et odieux avec la chanteuse de 77 ans. Voyons, on se calme le pompon. Souffrons-nous à ce point d’hypersensibilité télévisuelle ?

Les coanimateurs en rotation à Tout le monde en parle, qui s’exercent en direct, ne l’oublions pas, possèdent chacun un style différent. Marie-Lyne Joncas est plus familière et comique, Alexandre Barrette reste stoïque et pince-sans-rire, Kim Lévesque Lizotte apporte du pétillant et MC Gilles fonce souvent dans le tas.

La variété des points de vue et des approches des coanimateurs empêche Tout le monde en parle d’enfiler des pantoufles trop confortables et de devenir prévisible. Et ça fonctionne : à sa 20e saison, le populaire plateau radio-canadien attire toujours son million d’adeptes.

Il ne faudrait pas perdre ce rendez-vous hebdomadaire parce que des crinqués pètent leur coche en LETTRES MAJUSCULES sur les réseaux sociaux, avec un paquet de fautes de français, « qu’elle niaiserie enver la mairaisse ».