J’ai revérifié auprès du producteur Louis Morissette lundi et l’avis de décès ne changera pas : c’est fini, mort et enterré pour la délicieuse comédie Entre deux draps de Noovo, qui a été mise en terre mercredi devant 340 000 pleureuses, dont je fais évidemment partie.

Après quatre saisons en ondes, cet ultime épisode d’Entre deux draps a joliment bouclé les destins des six couples ou duos qui nous ouvrent la porte de leur chambre à coucher les mercredis à 19 h 30.

Et pour la première fois dans la courte histoire de cette sitcom imaginée par l’humoriste Mathieu Pepper, plusieurs personnages ont quitté leur douillet cocon conjugal, commandité par les matelas Jump, pour sortir dans le vrai monde.

Marie-Ève (Bénédicte Décary) et Luc (François Papineau) ont trinqué dans une brasserie sportive, Valère (Fayolle Jean Jr), Thomas (Mathieu Pepper) et Mélissa (Pascale Renaud-Hébert) ont rempli un camion de déménagement tandis que l’attaché politique psychorigide Jean-Pascal, alias JP (Simon Pigeon), a remporté ses élections pour le Parti Mouvement Québec.

Entre deux draps, construit sur le modèle à sketchs d’Un gars, une fille, a été un coup de cœur comique des quatre dernières années.

Les textes, écrits par un groupe d’auteurs, demeurent parmi les plus modernes de la télé québécoise, avec Inspirez, expirez et La candidate. De semaine en semaine, les scénaristes d’Entre deux draps ont réussi à aborder des sujets osés et coquins sans jamais sombrer dans la vulgarité.

J’ai adoré la relation complice et remplie de dérision entre Virginie (Karine Gonthier-Hyndman) et son copain acteur Marco (Guillaume Girard), unis pour affronter leur fille trop allumée Florence (Florence Pilotte), qui a flirté avec la psychopathie, toujours avec son sourire semi-maniaque, bien sûr.

S’obstinant à propos des chandelles chères, des menstruations ou des oreillers de corps (une « petite bitch » en mousse mémoire), Lydia (Virginie Ranger-Beauregard) et Antoine (Pier-Luc Funk) n’ont jamais été ennuyeux, et mention d’honneur au jeu physique de Pier-Luc Funk, capable d’accomplir des miracles de « burlesque » avec son corps. Avec Virginie et Marco, Lydia et Antoine ont hérité des séquences les plus hilarantes d’Entre deux draps, qui a démarré en janvier 2021 comme projet pilote pandémique.

Le couple formé du chef Simon (Antoine Pilon) et du politicien JP (Simon Pigeon) s’est éloigné des stéréotypes associés à la communauté gaie et ce fut rafraîchissant de voir évoluer leur dynamique relationnelle. Les deux gars ont fait le party, se sont joyeusement picossés et ont adopté des jumeaux, portés par leur grande amie Jess (Catherine Brunet).

PHOTO FOURNIE PAR NOOVO

Antoine (Pier-Luc Funk) et Lydia (Virginie Ranger-Beauregard)

Les colocs Valère et Thomas n’ont pas été mes favoris, je l’admets. On dirait qu’ils ne jouaient pas dans la même série réaliste et contemporaine que leurs collègues. L’arrivée de Mélissa, la blonde de Thomas, a ramené les deux amis dans des intrigues plus concrètes, moins Pineapple Express, un film où tout le monde est gelé comme une balle.

Marie-Ève et Luc ont obtenu un deuxième souffle quand ils ont abandonné leur maison de banlieue pour un condo à Montréal, ce qui les a éloignés des gags plutôt convenus de tondeuses le dimanche matin et de voisins envahissants.

À l’automne 2021, l’ajout de Jean-Pierre (Martin Drainville) et Carole (Micheline Bernard), les parents de Thomas, a permis à Entre deux draps de ratisser encore plus large, des boomers jusqu’à la génération Z.

C’est triste qu’une des rares émissions bonbon du petit écran disparaisse ainsi. Au moins, Flo a obtenu son serpent, alors que Jean-Pierre et Carole ont acheté un casse-croûte, qui meublera encore mieux leur retraite. On se console comme on peut.

Autre comédie adorée du public : Discussions avec mes parents de Radio-Canada, qui a relayé lundi soir un épisode de Noël touchant. Cette série créée par François Morency a toujours moissonné de costaudes cotes d’écoute (840 000 téléspectateurs la semaine dernière), mais a été boudée par les critiques (coupable !) et snobée par l’intelligentsia médiatique.

C’est vrai, l’humour de Discussions avec mes parents est plus convenu, prévisible et a tendance à se répéter. Mais à lire vos courriels, vous raffolez du clan Morency qui évoque le vôtre, avec ses irritants et ses côtés charmants.

Fatigués de s’occuper d’une aussi grande maison, Jean-Pierre (Vincent Bilodeau) et Rollande (Marie-Ginette Guay) ont décidé de vendre la résidence familiale et ont convié leurs trois grands enfants à un dernier réveillon du 24 décembre, qui n’a pas été aussi chaotique qu’appréhendé.

Il y a eu trop de blagues de yourtes, mais la scène du chapeau-carrousel de guimauves a été mourante. Puis, François Morency a amorcé une séquence plus émouvante en se rapprochant de sa belle-sœur Chantal (Amélie Bernard) autour du bâton de baseball – un cadeau d’échange – signé par Gary Carter des Expos de Montréal.

IMAGE TIRÉE DE L’ÉMISSION

Emeric Bissonnette et François Morency dans une scène de Discussions avec mes parents

Et sur l’air de la chanson Ailleurs de Marjo, tous les Morency, de même que leurs douces moitiés, ont campé dans le salon de cette maison qui a généré tant de souvenirs. Vraiment, c’était attendrissant.

Il y aura une septième et dernière saison de Discussions avec mes parents à l’automne 2024. Peut-être que la croyante Mme Dupuis (excellente Danielle Fichaud), femme de ménage aussi bête qu’efficace, sourira et clignera des yeux en même temps, ce qui lui vaudrait énormément de points lors du jugement dernier.