Pour ou contre ? Trouves-tu ça épouvantable ? Ça va être quoi dans dix ans, hein ?

Les drag queens dans l’espace public, les personnes non binaires, les vestiaires mixtes, le vernis à ongles coloré pour les hommes, les attaques écolos sur les œuvres d’art, le pronom personnel iel, l’appropriation culturelle, on dirait qu’il faut absolument choisir un camp quand ces sujets de société éclatent dans une discussion (de préférence, sans alcool).

Les 10 nouveaux épisodes d’Un gars, une fille, qui débarquent sur l’Extra de Tou.tv le 4 janvier, abordent ces enjeux clivants sur les réseaux sociaux, mais évitent le piège de choisir pour le téléspectateur ou de lui faire une leçon de morale.

Par exemple, le personnage non binaire de Mau (Camille Léonard) n’est pas le plus agréable dans cette drôle et efficace sitcom de Radio-Canada. En couple avec Camille (Anyjeanne Savaria), la fille de 22 ans de Guy et Sylvie, Mau râle énormément, ne mange que des trucs hyper santé, arbore un air bête en permanence et souffre d’hypersensibilité environnementale.

Dans toute sa diversité et son intensité, Mau est acariâtre et peu aimable. C’est un réservoir géant à conflits, surtout avec Guy (Guy A. Lepage). Et c’est bien correct.

Autre exemple : les drag queens, au dixième épisode. Guy, Sylvie, Mau, Camille et Élise (Élise Guilbault) assistent à un spectacle animé par la vraie Mado Lamotte (Luc Provost).

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Scène d’Un gars, une fille

Cette séquence, qui implique Gisèle Lullaby et Kiara, est hilarante et devinez quel membre du quintette aura le plus de préjugés et de comportements déplacés dans le bar ? Il s’agit d’Élise, la femme gaie – et sœur de Guy – qui devrait pourtant être plus sensible aux stéréotypes.

On peut être homosexuel et intolérant – ou de son époque, un euphémisme poli. On peut être hétéro et tolérant. Ou l’inverse. On peut avoir des préjugés à 20, 40 ou 60 ans. La fluidité ne s’applique pas juste à la notion de genre.

Couple couchou des téléspectateurs québécois, Guy et Sylvie, plus décalés que réactionnaires, ont habilement réussi leur atterrissage en 2023, de même que leur migration de la banlieue vers Montréal.

Au premier épisode, ils emménagent dans un nouveau condo moderne, comme ceux qui poussent à Griffintown ou dans le Vieux-Montréal.

C’est dans cet immeuble tout neuf que les deux tourtereaux croiseront Geneviève (Geneviève Brouillette), l’ex-collègue de Guy qui n’a rien perdu de son charme, au grand désespoir de Sylvie (Sylvie Léonard). Je radote, mais Sylvie Léonard demeure une de nos grandes actrices québécoises, elle excelle autant dans le drame pesant que dans les choses légères. Et sa Sylvie est d’une justesse comique incroyable.

Cette savoureuse saison d’Un gars, une fille ramène plusieurs personnages connus, dont Martin (Martin Petit), qui a acheté le bungalow de Guy et Sylvie, de même que le couple formé de Loulou (Louise Richer) et Daniel (Daniel Parent). Daniel porte encore ses ongles à la Jay Du Temple, époque OD 2020. Ce détail cosmétique cache une histoire surprenante qui ébranlera davantage Sylvie que Guy, au troisième épisode.

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Guy A. Lepage et Sylvie Léonard

Parmi les nouveaux personnages, vous rencontrerez enfin Anakin (Mattis Savard-Verhoeven), le demi-frère de Guy qui bosse pour la NASA, en Floride. Sans ne rien divulgâcher, disons qu’Anakin assume et embrasse, lui aussi, sa différence. Il se pointe au dixième épisode, quand le père de Guy, interprété par Pierre Lebeau, s’apprête à pousser son dernier râle, à l’hôpital. Non, il ne mourra pas.

Vivant encore dans sa caverne de jeux vidéo, le geek Charles (Jean-Christophe Leblanc), fils de 22 ans de Guy et Sylvie, tombe amoureux de la bizarre Akalie (Éléonore Loiselle) qui, comment dire, s’avère très spéciale. La décrire vendrait le punch de sa personnalité entière, donc silence. Akalie se pointe (indice !) au quatrième épisode.

Au fil de cette saison, qui passera à la télé traditionnelle de Radio-Canada en septembre 2024, Guy et Sylvie s’adonnent au cardiovélo, espionnent leurs enfants sur Facebook, consultent régulièrement un employé (trop motivé) de quincaillerie et jasent de ruelles vertes, de vélo en ville ou de consentement. Autre ajout titillant : la belle-mère de Guy, Mélanie (Mahée Paiement), lance une émission balado à caractère sexuel qui s’intitule La MILF de la Rive-Sud.

Les personnages d’Un gars, une fille réagissent de façon aussi forte et diversifiée que les téléspectateurs qui les regardent.

À propos des identités de genre qui fluctuent, vous entendrez que c’est super normal et courant en 2023, de même qu’il s’agit « d’enfantillages d’enfants gâtés ».

Qui a raison, qui a tort ? On s’en fout. Un gars, une fille a comme mission de nous divertir, de nous faire rigoler, et ça fonctionne, surtout dans la quotidienneté du couple, un révélateur de plusieurs de nos propres travers.

En avril, la diffusion des quatre nouveaux épisodes d’Un gars, une fille a rallié 1 023 000 téléspectateurs à l’antenne de Radio-Canada. Pas étonnant que Guy A. Lepage et ses collaborateurs planchent déjà sur un autre chapitre de la vie urbaine de Guy et Sylvie, qui vieillissent bien.

Et non, vous n’aurez pas le goût de hurler « OK boomer » en les fréquentant.