Raconter la vie intime de Maurice « Mom » Boucher, ancien chef guerrier des Hells Angels, n’intéresse pas une miette l’auteur Luc Dionne, qui planche actuellement sur une minisérie à propos des deux procès du caïd montréalais, il y a une vingtaine d’années.

« Non, il n’est pas question de prendre un comédien pour interpréter Mom Boucher. Ce n’est pas ça, l’histoire. Ce que je veux raconter, c’est ce qui s’est passé dans les centres d’enquête et au sein de l’escouade Carcajou. Et mettons que ce n’était pas des endroits où Mom Boucher allait prendre un café », explique le scénariste Luc Dionne au bout du fil.

Dans les faits, cette télésérie de six épisodes, destinée au Club illico de Vidéotron et produite par Fabienne Larouche, d’Aetios, s’attardera à une période bien précise de l’histoire du bandit le plus célèbre du Québec : celle comprise entre son acquittement des meurtres de deux gardiens de prison, en novembre 1998, et son inculpation pour les mêmes crimes, en mai 2002.

« À cette époque, tout pète partout à Montréal et la chaleur monte dans les prisons », se souvient Luc Dionne, dont la série s’articulera autour de trois personnages pivots de la guerre des motards, soit l’enquêteur (inspiré de l’ex-policier Guy Ouellette), la procureure de la Couronne (France Charbonneau, nommée juge en 2004) et le délateur (Stéphane « Godasse » Gagné).

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

MFrance Charbonneau, procureure de la Couronne, après le procès de Maurice « Mom » Boucher, reconnu coupable d’homicide en 2002

La série exposera comment ces trois protagonistes ont été essentiels dans la condamnation de l’ancien Hells Angel, qui est mort en juillet 2022 au pénitencier Archambault de Sainte-Anne-des-Plaines, au nord de Montréal. Le gangster de Sorel a succombé à un cancer de la gorge, à l’âge de 69 ans.

Donc, oui, l’ombre de Mom Boucher planera sur les six épisodes, sans nécessairement qu’il accapare toute la lumière.

Comprendre : il ne s’agit pas d’un « biopic » à propos de l’ascension – et de la chute – de l’ex-motard au sein d’une puissante organisation criminelle. Et pas question de glamouriser la vie de cet homme, qui a déclenché le conflit le plus meurtrier du Canada.

« Ce n’est pas un documentaire qu’on fait, non plus », précise Luc Dionne.

Aucun acteur ni réalisateur n’a encore été attaché à ce projet, qui a été déclenché la semaine dernière par le Club illico.

Le moment qui a le plus marqué l’imaginaire collectif demeure la sortie triomphante du palais de justice de Montréal de Mom Boucher, en novembre 1998, libre, souriant et entouré de membres de son gang. Il venait d’être acquitté par un jury des meurtres de Diane Lavigne et de Pierre Rondeau, deux agents correctionnels de Bordeaux et Rivière-des-Prairies abattus un an auparavant.

Le tueur à gages Stéphane « Godasse » Gagné, l’assassin de Diane Lavigne, a retourné sa veste, et c’est son témoignage qui a permis d’envoyer Mom Boucher derrière les barreaux à perpétuité. Délateur vedette, Gagné a obtenu une semi-liberté en mars 2023, et il vit sous une identité secrète.

Cet univers de policiers, d’avocats et de bandits, Luc Dionne le connaît hyper bien. Il l’a exploré dans Omertà, Le dernier chapitre et District 31. Un de ses meilleurs amis s’appelle Guy Ouellette, ex-policier de la Sûreté du Québec et membre de la cellule d’élite Carcajou, formée pour neutraliser les motards, au milieu des années 1990.

« Guy Ouellette a une mémoire phénoménale. Ça fait 30 ans que je le connais », glisse Luc Dionne.

Depuis la fin de District 31, en avril 2022, Luc Dionne n’a pas contemplé le vide, mettons. Le scénariste de 63 ans a également bouclé les 12 premières heures de sa série annuelle DPCP pour Radio-Canada, prévue dans la grille de septembre 2024, en théorie.

Contrairement à sa productrice Fabienne Larouche, Luc Dionne consomme peu de télévision. « Je suis aux antipodes de Fabienne, qui voit tout et qui connaît toutes les séries. Moi, après une demi-heure ou trois quarts d’heure, j’ai compris et j’arrête. Je ne veux pas me faire influencer. Des fois, c’est complètement inconscient. Tu ne te souviens pas d’avoir vu quelque chose et tu le mets dans ta série, quelques mois plus tard », observe Luc Dionne.

Non, le père du commandant Chiasson ne s’ennuie pas du tout du rythme de production infernal qu’impose une série quotidienne comme District 31.

Il en profite pour envoyer des fleurs à celle qui lui succède à 19 h, du lundi au jeudi, Marie-Andrée Labbé, créatrice de STAT.

« Une auteure qui travaille seule, comme Marie-Andrée Labbé, je sais exactement ce qu’elle vit. Je le connais, ce long tunnel, où il n’y a pas de lumière devant ni derrière. À un moment donné, tu écris tellement que ton corps te dit non. À la fin, j’écrivais 12 heures par jour, sept jours par semaine. Quand j’ai fini District 31, j’ai pris l’avion pour Cannes, puis je suis allé à Francfort. En plein milieu de la rue, le corps m’a barré. Je suis tombé par terre et je ne savais plus si je braillais ou si je riais. J’ai demandé de l’aide et, rendu à mon hôtel, je me suis pris un massage et j’avais tellement mal partout que j’ai sacré le camp en bas de la table, tout nu », se souvient Luc Dionne, qui s’est refait une santé depuis, n’ayez crainte.

Il vous salue d’ailleurs du soleil de la Floride, le chanceux.