Une lectrice m’a envoyé par la poste une jolie aquarelle de la façade de la maison Usher, que je vais assurément accrocher au mur. Voilà le genre de petites douceurs que nous recevons parfois, les journalistes, qui font oublier les courriels de bêtises.

Je n’écris pratiquement plus sur la maison Usher, mais chaque semaine, quelqu’un m’en parle. Ça, et de ma recette de poulet rôti publiée pendant la pandémie.

PHOTO FOURNIE PAR CHANTAL GUY

Une aquarelle reçue par notre chroniqueuse, de la part d’une lectrice

Il ne manquait sur cette aquarelle que la binette de Nanette, ma chatonne de 7 mois qui arrivera bientôt à maturité, et le minois d’Angie, ma shih tzu adorée depuis maintenant cinq ans. Et le maudit couple de pigeons que je n’arrive pas à faire fuir. Nanette aime bien se poster devant la fenêtre pour les observer, tandis qu’Angie préfère leur japper dessus.

Pendant une absence d’un mois de l’amoureux, j’ai été toute seule dans la maison Usher, mais le mot solitude n’existe pas quand on vit avec une chatte et une chienne. Et peut-être une souris, que j’ai cru voir passer, à moins que ce ne soit une poussière dans l’œil. C’est un peu pour ça que je voulais un chat dans cette vieille maison, mais Nanette s’en fout, c’est Angie qui réagit toujours aux présences naturelles ou surnaturelles de la demeure.

Depuis l’arrivée de Nanette, je redécouvre les mystères du chat, après 25 ans sans félin à mes côtés, où je n’ai juré que par les chiens. Je constate qu’un chat, ça en jette, tandis qu’un chien, ça en donne. En fait, le chien donne tout de lui-même, sans arrêt, Colette faisait dire à son Toby-Chien « je voudrais être sûr que tout ce qui vit m’aime ». Que je sorte cinq minutes ou cinq heures, Angie m’accueille avec la même joie débordante à mon retour, alors que Nanette n’interrompt pas son sommeil. La vie de Nanette ne tourne pas autour de moi, et je dois avouer que ça me donne un break d’Angie, prunelle de mes yeux, qui ne me lâche pas d’un poil, même aux toilettes le matin. Les chiens nous adorent et nous touchent droit au cœur, parfois trop, ils sont même très jaloux. Les chats viennent nous chercher dans notre capacité d’émerveillement, car leur beauté, leur grâce, leur agilité et leur indépendance forcent l’admiration.

J’explore aussi la dynamique chat-chien, qui a toujours été caricaturée, les êtres humains aimant un peu trop les opposer et inventer des catégories. Lequel est le meilleur, lequel est le plus intelligent ? Ça n’a aucun intérêt, cette hiérarchie, mais leurs différences me font rire.

Quand je regarde Nanette et Angie, je vois surtout qu’elles s’aiment, « comme des enfants, comme avant les menaces et les grands tourments »… Toute féline qu’elle est, Nanette est la plus jeune et la dernière venue, elle calque Angie sur plusieurs choses et l’attend impatiemment quand elle part en promenade, un peu indignée de ne pas avoir ce privilège. Pour se venger, elle s’introduit dans chaque coin qu’elle peut atteindre et est capable d’ouvrir à peu près toutes les portes.

Elles partagent aussi un horaire des lieux. Elles dorment avec moi la nuit, tandis qu’elles font la sieste de l’après-midi avec monsieur. Vers 10 h du matin et autour de 17 h le soir, c’est l’heure du jeu, elles se pourchassent comme des folles et cassent parfois des objets. Enfin, si je dépasse 23 h devant la télé le soir, elles mettent de la pression pour que j’aille au lit. Nanette attaque la télé et Angie m’attend l’air grave dans les escaliers.

Chat et chien sont des êtres d’habitude.

Le chat a toujours été préféré par les écrivains, mais voici mon diagnostic de lectrice : le chat comme le chien sont d’excellents compagnons de lecture, je donnerais même un léger avantage au chien, qui peut sagement dormir à vos pieds pendant des heures, alors que le chat a souvent envie de se coucher directement sur votre livre.

Mais la nouvelle présence de Nanette me fait bifurquer dans mes quêtes à la librairie. Après avoir lu beaucoup de livres sur les chiens, comme Son odeur après la pluie, de Cédric Sapin-Defour, ou Un chien mort après lui, de Jean Rolin, je suis attirée maintenant par les titres sur les chats. Je viens d’acheter Philosophie féline – les chats et le sens de l’existence, de John Gray, qui est pas mal amusant. Selon l’auteur, c’est le chat qui a domestiqué l’humain, non l’inverse, et l’humain aurait inventé la philosophie dans une triste tentative de se guérir d’un mal de vivre que les chats ne connaissent pas. « La vie humaine est bien souvent une lutte pour le bonheur, écrit-il. Chez les chats, au contraire, le bonheur est un état par défaut qu’ils retrouvent quand leur bien-être n’est pas directement menacé. C’est peut-être essentiellement pour cette raison que nous sommes nombreux à aimer les chats. Par droit de naissance, ils jouissent d’une félicité dans la quête de laquelle les humains échouent le plus souvent. » Je suis bien d’accord, mais on pourrait en dire tout autant des chiens, et probablement de la plupart des animaux.

Vous me voyez venir, j’espère. Avez-vous de bons livres sur les chats à me proposer ? Je dois rééquilibrer ma bibliothèque pour être une lectrice équitable avec ma ménagerie.