On entend souvent dire que la télé québécoise traverse une crise, que les budgets de production ratatinent et que les créateurs d’ici ne disposent plus des moyens financiers nécessaires pour concocter des émissions qui rivalisent avec celles des plateformes américaines.

La brève existence de La candidate, qui ne connaîtra jamais de suite à Radio-Canada, l’illustre très bien, hélas. Selon mes informations, la scénariste Isabelle Langlois et la boîte de production Encore Télévision ont déposé les grandes lignes de l’intrigue et le texte complet d’un épisode pour amorcer la suite de cette comédie drôle et brillante, qui raconte l’élection surprise d’une députée poteau, la technicienne en pose d’ongles Alix Mongeau (Catherine Chabot), une novice de la politique.

Mais rapidement dans le développement de La candidate 2, les réalités budgétaires actuelles ont rattrapé l’équipe et torpillé le projet. Comme La candidate suit chronologiquement une année de travaux parlementaires, de septembre à juin, il faut tourner plusieurs scènes en plein hiver et à l’automne, ce qui gonfle les coûts de production et complexifie le calendrier de travail.

On connaît l’hiver au Québec : une journée, il tombe 25 centimètres de neige à - 12 °C, et le lendemain, le mercure grimpe à 8 °C, sous le soleil, et tous les flocons disparaissent sous la pluie. Pour un réalisateur de télévision, c’est la catastrophe. Dans une scène, on voit des bancs de neige et de la sloche. Dans l’autre, c’est du gazon. Bref, plus rien ne se raccorde lors du montage des épisodes.

Aussi, La candidate se déroule en partie à l’Assemblée nationale, à Québec, où les caméras n’entrent qu’avec plusieurs permissions spéciales. Et comme Alix Mongeau représente une circonscription située en région, il faut (encore) déménager toute l’équipe à l’extérieur de Montréal, ce qui sale davantage la facture finale.

Comprendre : il faut défrayer l’hébergement, les déplacements et les repas des acteurs, des techniciens, des coiffeurs-maquilleurs, des costumières, des réalisateurs, alouette.

Bref, l’hiver, l’accès difficile à l’Assemblée nationale, la ville de Québec comme lieu principal de l’histoire et les tournages en région ont étouffé La candidate 2, qui n’illuminera pas nos écrans.

Je précise également que les tournages de la première saison de La candidate, sous la houlette des réalisateurs Sébastien Gagné et Charles-Olivier Michaud, ont été difficiles et parsemés d’embûches. Il n’était pas question de revivre les mêmes désagréments, dans les mêmes conditions laborieuses, pour une deuxième saison.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

L’auteure de La candidate Isabelle Langlois

Jointe mercredi, l’auteure Isabelle Langlois (Lâcher prise) admet que sa Candidate « a été compliquée à tourner », sans entrer dans les détails. « Au départ, j’ai conçu La candidate pour ne faire qu’une seule saison. J’avais prévu six épisodes, Radio-Canada en voulait dix. Je deviens paresseuse, faut croire. Je dis toujours à la blague que la dernière affaire que je vais écrire, c’est une chanson », rigole Isabelle Langlois.

Puis, en voyant les images du trio de députés du PPDQ formé par Benjamin (Olivier Gervais-Courchesne), Salima (Ines Talbi) et Alix, la scénariste a changé d’idée. « Je me suis prise d’affection pour mon sujet et j’ai voulu continuer », glisse Isabelle Langlois, qui a consulté l’ex-député fédéral Pierre Nantel et une ancienne recherchiste d’Infoman, Esther Pilon, pour l’écriture des dix épisodes de La candidate.

La productrice Julie Provençal, présidente et directrice générale d’Encore Télévision, confirme que le manque d’argent a coulé La candidate 2.

Pour faire une série de cette ampleur, la conjoncture actuelle de notre milieu et l’inflation ne nous permettaient pas d’assurer une viabilité financière et, du même coup, garder ce même standard de qualité pour une deuxième saison.

Julie Provençal, présidente et directrice générale d’Encore Télévision

C’est vraiment dommage, car La candidate égaie intelligemment nos mardi soirs comme aucune autre émission. Nous sommes 816 000 accros (en incluant les enregistrements) à suivre la pétillante Alix Mongeau et ses électeurs de Dufferin, la « place où le fun va pour mourir ».

Il n’y a aucun personnage beige et drabe dans La candidate, à commencer par notre héroïne rusée Alix, bien bronzée et fardée. Les moments de dialogue carabiné entre Alix et sa mentore Salima sont savoureux. Les textes d’Isabelle Langlois renferment toujours un paquet d’expressions modernes et de références contemporaines.

J’ai adoré la mère semi-complotiste d’Alix, la belle Kathy (Geneviève Alarie), que nous avons découverte dans un souper familial particulièrement tendu. J’ai hâte de voir davantage l’agente immobilière France Beaudry (Geneviève Brouillette), l’épouse du député sortant de Dufferin (Hugo Dubé), qui a autant de caractère que d’avantages financiers liés à sa position dans le système de collusion exposé par Alix et son attachée politique Béatrice (Valérie Tellos).

Le prochain épisode, celui du mardi 13 février, montre un Guy Jodoin méconnaissable dans le rôle du ministre des Affaires municipales, Denis Jarry, qui s’exprime comme le vrai député conservateur de Lévis-Lotbinière, Jacques Gourde. C’est un véritable scandaaale !

Voilà pourquoi j’aime autant La candidate. Parce que c’est actuel, drôlement réaliste et peuplé de gens colorés. Il y a tellement d’autres séries ordinaires qui auraient dû s’éteindre avant la sonnerie « funnée » du cellulaire d’Alix Mongeau. Peut-on demander un recomptage des budgets pour prolonger le mandat de notre Candidate chouchou ?