Ce devait être le plus gros concert rock de la décennie à Montréal, annonçait le Groupe Gillett. Quantitativement, il avait raison. Il n'existe qu'un mot pour qualifier le passage d'AC/DC hier soir au Stade olympique: monstrueux.

C'était la démesure. Une scène de 60 pieds par 48, une passerelle de 176 pieds, des coups de canons et des boules de feu, des colonnes et des colonnes d'amplificateurs, plusieurs écrans géants, environ 53 000 fans et un des plus grands groupes rock de l'histoire qui revient en ville après neuf ans d'absence. On s'attendait à un méga concert de stade comme il n'en existe presque plus, avec une succession de succès relayés par une sono approximative. Et c'est ce qu'on a eu.

La fébrilité se sentait déjà une vingtaine de minutes avant le début du concert. Un kilomètre semblait nous séparer des fans à l'autre bout des gradins. Le stade est devenu une carcasse de béton, mais il ne manquait pas d'ambiance, grâce à la clameur ambiante et les cornes rouges qui brillaient partout. Quand on voyait quelqu'un les acheter à l'entrée (15$ quand même), on n'était pas certain. Mais portées par des milliers de fans, c'est très beau.

Maintenant, la question de la sono. Ce n'était pas la catastrophe qu'on aurait pu appréhender. Mais c'était tout de même loin d'être impeccable. La voix de Brian Johnson était parfois enterrée, et en plus, il semblait manquer de souffle par moments. Dans l'ensemble, le son manquait aussi de richesse. On s'ennuyait de la rondeur et du mordant des guitares sur les disques. Peut être que des spectateurs situés ailleurs ont entendu autre chose.

Reste que ces petits problèmes disparaissaient toutefois lors des solos de guitare d'Angus Young, survoltés comme toujours. 

Le cas d'Angus

AC/DC est un groupe bizarre. Cliff Williams (basse), Malcolm Young (guitare rythmique) et Phil Rudd (batteur) semblent venir poinçonner à leur quart de travail. Rudd fume même des cigarettes pendant une bonne partie des pièces.

Ensuite, il y a le chanteur Brian Johnson, toujours énergique avec le charisme prolétaire de son traditionnel béret. Et il y a Angus Young. Le guitariste se démène comme un forcené. Si son frère Malcolm semble incapable de jouer en bougeant, lui semble incapable de ne pas bouger. Il a dû perdre deux ou trois livres hier soir.

Angus fût un des premiers guitaristes à adopter la technologie sans-fil, et on comprend pourquoi. Il arpente chaque recoin de la scène et de la longue passerelle avec sa danse de canard à la Chuck Berry.

On n'a pas entendu une seule fois sa voix, mais il a volé le show. Comme il le fait depuis plus de 30 ans. On se demande où il prend l'énergie, puis on se retourne et on imagine la vue qui s'offre à lui, avec un stade qui hurle à chacun de ses gestes. Cette drogue là, on ne doit probablement jamais vraiment s'y habituer.

Comme d'habitude, Angus, 54 ans, osera un strip-tease. Il enlève son costume d'écolier puis s'arrête à son caleçon. Malgré tout, cela n'en fait pas un clown. Car il joue, et il joue très bien.

Grosse Rosie et autres caricatures scéniques

AC/DC a joué plus d'extraits de son nouveau disque que certains auraient pu le croire. Après Rock N' Roll Train en ouverture, on a entendu plus tard Big Jack, Black Ice et War Machine.

Évidemment, ces chansons n'ont pas encore été vraiment adoptées par le public. La soirée a pris son envol avec Back in Black. Le verre de café tremblait dans nos mains, tout comme le plancher peu rassurant du stade.

On ressentait le même effet lors des autres classiques joués, que ce soit Thunderstruck, Dirty Deeds Done Dirt Cheap, Hells Bells, You Shook Me All Night Long, T.N.T., Whole Lotta Rosie et, comme d'habitude en rappel, Highway To Hell puis For Those About To Rock (We Salute You).

Pour cette tournée, un gigantesque train vapeur déchirait le milieu de la scène. Sinon, les autres éléments scéniques étaient les mêmes qu'à l'habitude. Comme il s'agit de visite rare, cela ne dérange pas. Cette caricature démesurée finit même par amuser.

Brian Johnson se balance sur une corde au bout de la cloche géante lors de Hells Bells. Une immense poupée gonflable, de style modèle pour un Cyclope, apparaît lors de Whole Lotta Rosie (elle aussi, on peut l'acheter aux kiosques). Une caméra placée sous le plancher de verre filme la danse d'Angus Young lors de Thunderstruck. Puis lors de For Those About to Rock..., de gros canons – comme ceux de la pochette – explosent pour clore la soirée.

On rit encore aussi de The Jack, cette pièce sur une conquête de Malcolm qui avait un MTS. Des spectatrices sont montrées alors sur les écrans géants pendant que la foule crie: «She's got the jack»...

Oui, il n'y avait pas vraiment de finesse ou de subtilité. Mais on n'en veut pas dans un stade. On veut un événement rock, et on en a eu un comme peu d'autres groupes au monde peuvent l'offrir.

Le plus bel exemple: la dernière pièce avant le rappel. Les lumières s'éteignent et Angus Young disparaît pour ressurgir sur un podium au milieu du parterre et y poursuivre son solo. On pense assister au paroxysme, puis peu après, ce podium s'élève d'encore quelques mètres dans les airs alors que des confettis virevoltent dans les airs. Le solo se prolongera encore de longues minutes. On peut se tromper, mais il semble que le guitariste l'a allongé à cause de la folle ambiance.

Personne n'allait s'en plaindre.

La liste des chansons jouées:

Rock N' Roll Train

Hell Ain't a Bad Place to Be

Back In Black

Big Jack

Dirty Deeds Done Dirt Cheap

Shot Down in Flames

Thunderstruck

Black Ice

The Jack

Hells Bells

Shoot to Thrill

War Machine

Dog Eat Dog

Anything Goes

You Shook Me All Night Long

T.N.T.

Whole Lotta Rosie

Let There Be Rock

RAPPEL

Highway to Hell

For Those About to Rock (We Salute You)