Incontournable de la culture cubaine, Omara Portuondo est une force de la nature, comme le furent ses collègues du Buena Vista Social Club aujourd'hui disparus. Professionnelle depuis la fin des années 40, cette grande dame de la musique cubaine ne prévoit pas de retraite. Et revient triompher au festival Montréal en lumière en misant sur Gracias, album dont le titre traduit bien la félicité qui l'habite.

Omara Portuondo n'avait pas d'interprète lorsque La Presse l'a jointe en Colombie. Ainsi, cette interview a dû être réalisée par voie de courriel. Voici les réponses généreuses d'Omara Portuondo.

Q: À votre âge, 80 ans, prenez-vous encore plaisir à vous produire devant tous ces publics du monde?

R: Absolument! J'adore me produire sur scène. J'y ressens chaque fois un buzz extraordinaire. Les auditoires de chaque pays, de chaque ville, portent en eux quelque chose de spécial.

Q: Comment refaites-vous le plein d'énergie pour ainsi conserver cette forme extraordinaire?

R: Lorsque je suis en tournée, je prends le temps de me détendre avant de monter sur scène. J'ai toujours ma routine d'exercices et d'échauffement vocal. J'essaie de garder un régime équilibré (pas trop de chocolat!), je ne bois pas d'alcool ni ne fume la cigarette. J'essaie aussi de d'espacer les représentations de manière à ne pas chanter chaque soir. Et lorsque je rentre à la maison, j'y coule des jours heureux avec ma famille. Pour moi, c'est ce qui compte le plus.

Q: Quel sera le programme du spectacle montréalais?

R Mon récent album, Gracias, auquel j'ajouterai un ou deux classiques de la musique populaire cubaine.

Q: Qui seront vos accompagnateurs?

R: Swami Jr, guitare, Harold Lopez, piano, Felipe Cabrera, basse, Andrés Coayo, percussion, Rodney Yllarza, batterie. Je travaille avec eux depuis plusieurs années. Ils forment un très bon groupe, c'est toujours un plaisir pour moi de me retrouver avec ces musiciens.

Q: Est-il toujours pertinent de vous associer au Buena Vista Social Club?

R: Bien sûr! Les albums et le film documentaire ont attiré l'attention du monde entier sur la culture cubaine et de sa riche histoire musicale. Je suis très heureuse et fière d'avoir été associée à ce projet magnifique.

Q: Comment pourriez-vous décrire l'évolution de votre carrière depuis les années 90?

R: À la suite des albums du Buena Vista, j'ai partagé la scène avec le regretté Ibrahim Ferrer pour sa carrière solo, pour ensuite enregistrer mes albums, notamment Flor de Amor. Entre les enregistrements, j'ai tourné de par le monde, parfois aux côtés d'Ibrahim et Ruben Gonzales, parfois avec mon groupe. À l'étranger, j'ai aussi chanté avec le Deutsches Filmorchester. J'ai enregistré avec la chanteuse brésilienne Maria Bethania et aussi chanté avec l'orchestre du Buena Vista - toujours actif. Au printemps, je lancerai un nouvel album avec mon bon ami, le grand pianiste Chucho Valdes avec qui j'ai fait Desafios en 1999. Cette fois, ce fut un grand plaisir pour moi de travailler avec Chucho en formule piano-voix. Nous avons enregistré beaucoup de matériel, nous avons ensuite retenu nos chansons préférées pour cet album. Avec ce répertoire, nous comptons tourner bientôt en Europe.

Q: Vous enregistrez et montez sur scène depuis la fin des années 40. Comment votre carrière a-t-elle changé après la révolution cubaine?

R: Je n'ai jamais cessé de travailler au maximum, tant sur scène qu'à la radio ou la télévision. J'ai aussi beaucoup tourné, tant à Cuba qu'à l'étranger.

Q: Quels sont vos styles cubains préférés?

R: Ma chanson fétiche est Veinte Años. Mais j'écoute tous les styles de musique cubaine: son montuno, bolero, feelin, jazz cubain, etc. Mes modèles artistiques sont nombreux. J'admire Maria Teresa Vega, Nat King Cole, Sarah Vaughan, Ella Fitzgerald, Maria Bethania. Depuis ma jeunesse, le jazz est certes la musique non cubaine qui m'a le plus marquée. J'ai toujours écouté les chanteuses et les chanteurs de jazz.

Q: Quelle est l'importance de vivre à Cuba, c'est-à-dire n'avoir jamais quitté l'île pour vivre ailleurs?

R Cuba, c'est chez moi. Là où vivent ma famille et mes amis. Pour rien au monde, je ne voudrais vivre ailleurs. Plusieurs choses m'y inspirent. Simplement regarder l'océan de mon appartement de La Havane, c'est déjà une grande inspiration! Alimenter de bonnes relations avec ma communauté et mon voisinage, c'est beaucoup.

Q: Quels sont les meilleurs moments de votre carrière?

R: Aucun en particulier. Je m'estime très chanceuse d'avoir vécu autant de moments incroyables. D'avoir atteint plusieurs cimes. D'avoir pu travailler avec les meilleurs musiciens. D'avoir été une ambassadrice de la culture cubaine. Et de quoi suis-je la plus fière? De ma famille.

Omara Portuondo se produira au Théâtre Maisonneuve, le 18 février, à 20h.