C'est déjà le retour des Trois jours de Casteliers, ce festival des arts de la marionnette qui occupera le Théâtre Outremont du 3 au 6 mars, pendant la semaine de relâche scolaire. Mais contrairement à la croyance populaire, toutes les pièces ne sont pas destinées aux enfants. Deux des cinq spectacles «pour adultes» sont présentés par le marionnettiste australien Neville Tranter, un beau coup de la part de la directrice artistique Louise Lapointe, qui invite les parents... à faire garder leurs enfants.

Il a fondé sa compagnie, Stuffed Puppet Theatre, il y a plus de 30 ans avant de s'établir aux Pays-Bas, où il a créé plus d'une quinzaine de spectacles. Tous pour adultes. De Salomé à Macbeth, en passant par Frankenstein et Hitler, Neville Tranter a toujours employé des marionnettes pour représenter ses personnages, qu'il n'hésite pas à appeler «ses comédiens».

«Vous savez, nous dit-il au cours d'un entretien téléphonique, les marionnettes sont formidables pour traduire les émotions humaines. À cause de la distance qui se crée entre elles et le public, on peut aller plus loin dans ce qu'on leur fait dire. Elles sont plus délirantes, mais tout aussi crédibles. C'est assez bizarre. Un peu comme lorsqu'on lit une bande dessinée.»

La première pièce qu'il a choisie de présenter aux Trois jours de Casteliers, Molière, a été créée il y a une douzaine d'années et présentée dans les plus grands festivals de marionnettes du monde, dont le célèbre festival de Charleville-Mézières, dans le nord de la France.

«Au départ, je pensais adapter une pièce de Molière, mais je me suis dit que ce serait plus intéressant de parler de l'homme de théâtre, Jean-Baptiste Poquelin, et des gens qui l'entouraient à l'époque: que ce soit sa femme, qui était beaucoup plus jeune que lui, ou le roi Louis XIV et sa cour.»

Ses marionnettes de taille humaine, qu'il manipule à vue, représentent donc l'entourage de Molière. Neville Tranter s'attarde notamment à la relation qu'il entretenait avec le roi de France, «semblable à celle qu'ont les artistes d'aujourd'hui vis-à-vis des organismes qui les financent!». Lui-même interprète le rôle de Toinette, genre de domestique, qui sert Molière. «Tout le monde est le servant de quelqu'un...» dit-il.

Punch & Judy



La deuxième pièce qu'il présente, Punch & Judy in Afghanistan est un clin d'oeil aux célèbres spectacles de marionnettes «en cabine», qui mettaient en vedette les guignols: Punch et sa femme Judy. Inspirée de la commedia dell'arte, l'histoire originale raconte comment Punch tue sa femme et leur bébé, avant de vaincre l'ennui, la maladie, la mort et le diable. Le personnage est habituellement représenté par un long nez crochu.

L'adaptation de Neville Tranter (créée en 2009) met en scène Oussama ben Laden dans le rôle de Punch, et «une de ses femmes» dans celui de Judy. Mais il y a un autre niveau de lecture puisque le marionnettiste joue son propre rôle, invité qu'il est à donner un spectacle de marionnettes en Afghanistan.

Ses péripéties prennent forme lorsqu'il part à la recherche de son assistant prénommé Émile (A meal dans la pièce), dont le chameau est parti à la course aveuglé par le flash de son appareil photo. C'est comme ça qu'il fera la rencontre d'Oussama ben Laden, avec qui il prendra le thé dans sa tente.

Plusieurs personnages apparaissent (cette fois avec des marionnettes à gaine plus petites). Le bébé Oussama, le démon, la mort, un soldat, un Arabe et un journaliste de la BBC. Le marionnettiste quittera sa cabine effrayé par tout ce qui se passe autour de lui.

«C'est une pièce assez drôle, mais en même temps, je parle des dérives et des excès d'un homme devenu incontrôlable. Il n'y a pas de morale dans mon histoire, seulement un commentaire: il est naïf de croire qu'on peut arriver dans un pays et le comprendre, et le changer.» Punch & Judy in Afghanistan sera également présentée à Calgary à l'International Festival of Animated Objects.

Molière, le 3 mars à 19h et le 4 mars à 20h30 (avec surtitres français). Punch & Judy in Afghanistan le 5 mars à 22h (en anglais). Au Théâtre Outremont. Pour l'ensemble de la programmation des Trois jours de Casteliers: festival.casteliers.ca Les spectacles sont présentés au Théâtre Outremont et à l'École Paul-Gérin-Lajoie.

À surveiller

> Le cirque orphelin, nouvelle création des Sages Fous, compagnie de Trois-Rivières, qui nous a donné Bizzarium et Paradissimo (des spectacles déambulatoires avec marionnettes géantes). Créée l'été dernier, la pièce met en scène deux chiffonniers-ferrailleurs qui racontent les «contes cruels de leurs cauchemars» avec de plus petites marionnettes cette fois. Pour les enfants de 9 ans et plus. Le 3 mars, à 13h30, le 4 mars, à 14h30, et le 5 mars, à 13h30.

> Le Cabaret Gainsbourg, créée au Festival international de la marionnette de Jonquière par le Théâtre Pupulus Mordicus de Québec. Cet hommage musical à Serge Gainsbourg est défendu par des acteurs et des marionnettes qui «sèment la zizanie et la poésie». Concocté par Anne-Marie Olivier dans une mise en scène de Martin Genest. Pour adultes. Le 5 mars à 20h.

> L'anatomie de l'objet. Ce spectacle présente sept courtes formes axées sur le théâtre d'objets et réunit plusieurs compagnies de théâtre d'ici et d'ailleurs, notamment le Théâtre de la Pire espèce (Francis Monty), Le Sous-marin jaune (Antoine Laprise) et la compagnie française Turak Théatre (Michel Laubu). Pour adultes. Les 2 et 3 mars à 20h30.

> Si vous avez raté le spectacle Naissances à l'Espace libre (du NTE), qui présentait cinq courtes formes, c'est l'occasion de voir une des ces pièces, Joseph-la-tache, créée par Catherine Vidal, qui s'est inspirée des installations de Joseph Cornell pour narrer cette surprenante histoire. La pièce de 12 minutes sera présentée juste avant Molière, de Neville Tranter. Pour adultes. Le 3 mars, à 20h, et le 4 mars, à 22h.