Oui, je suis basé au Kenya. D'où j'arrive? Du Danemark. What do you want to know?»

Oups... un gars fatigué au bout du fil. À peine débarqué dans un hôtel de Toronto, il vient de faire la grande traversée. Mais nous avons affaire à un homme de bonne volonté: Makadem a tôt fait de relaxer et d'expliquer de bon gré d'où il vient, par où il est passé, pourquoi il persiste à faire carrière chez lui.  Sans compter son appartenance à la même ethnie Luo, souche paternelle de Barack Obama et sujet d'une chanson à succès dont il est le créateur.

Makadem est issu du peuple luo, troisième en importance au Kenya, et dont la culture s'est forgée entre autres aux abords du Lac Victoria avant de se moderniser dans les zones urbaines du Kenya et des pays limitrophes. D'où cette musique qu'on nomme benga. Le benga, explique le chanteur, prend son origine chez les Luos du lac Victoria.  Plus précisément, dans la musique ohangla, jouée à partir d'instruments tels l'orutu, le nyatiti, le bunde. D'où le titre de mon album: Ohanglaman. Cette musique s'est aussi mélangée avec la rumba cubaine du côté congolais, on le constate aussi dans le style soukous qui a succédé à la rumba congolaise.

«Les guitares, qui sont largement utilisées aujourd'hui, étaient arrivées au Kenya après la Seconde Guerre mondiale. Dès lors, les ethnies locales ont adapté les instruments occidentaux à leurs traditions, mais dans un contexte moderne et urbain. La façon dont je joue moi-même le benga est une façon moderne, destinée autant à la danse qu'à l'écoute.»

Makadem était guide touristique lorsqu'il a choisi la musique en priorité. D'abord enclin au reggae, il a ensuite lorgné ses propres traditions pour ainsi produire ce qu'il nomme une afro-fusion et qui comprend des sonorités congolaises ou même d'Afrique australe.

«J'ai vécu dans plusieurs villes d'Afrique, indique-t-il.  Aujourd'hui, je fais la navette entre Mombasa et Nairobi. Impossible d'envisager la profession hors de la capitale. Et non, je ne crois pas que le Kenya ait encore produit un grand artiste international. Les Kikuyus jouent pour les Kikuyus. Les Luos s'adressent aux Luos. Et ainsi de suite. Notre musique n'est pas connue hors de nos régions. Le benga s'adresse à l'Afrique, pas encore au marché international. Heureusement, on voit poindre autre chose au Kenya, ceci dû à la prolifération de la musique africaine moderne, l'afro-fusion à laquelle je m'identifie.»

Sur scène, explique Makadem, quatre musiciens l'accompagnent: claviers, basse, guitares, batterie. Makadem, lui, chante , joue la guitare acoustique,  le kalimba, fameux petit instrument africain avec lamelles de métal, et le kayamba, instrument traditionnel de percussion.  

Sans se faire prier, le chanteur racontera l'histoire de sa vidéo musique au sujet de Barack Obama.

«Normalement, je chante le quotidien des gens, leurs préoccupations, leurs loisirs. L'amour, le sport, la politique, les gens de chez nous quoi. Or, puisque le défunt père d'Obama a grandi dans un village du Luoland, l'occasion était trop belle. J'ai senti que l'aspirant à la présidence américaine était une bonne personne, ses origines locales m'ont motivé à en faire une chanson. Obama By The Name fut créée au bon moment, c'est-à-dire pendant la période électorale en 2008.  J'avais eu de la chance de rencontrer une productrice qui a fait les choses rapidement et voilà.»

Cela dit, Makadem se défend bien de surfer sur Obama By the Name, cette chanson reggae ayant maintes fois fait le tour de la planète internet.

«Je ne crois pas être devenu ce que je suis à cause de ce tube. Je ne voyageais pas vraiment à cette époque, mais la sortie m'a permis de faire coïncider une tournée en Europe. J'ai connu cette femme dans un atelier de travail, puis elle s'est intéressée au Kenya, et elle m'a obtenu du travail. Je ne crois pas que ce soit dû principalement à cette chanson. C'est plus global. Ohanglaman est sorti en juin 2006. Plusieurs simples sont sortis depuis et ne figurent pas dans cet album. Pour l'instant, j'essaie de construire mon public à l'étranger.»

Makadem croit néanmoins important de rester au Kenya bien qu'il soit conscient que plusieurs musiciens essaient de vivre en Occident.

«Ça a changé la musique du Kenya, je crois, puisque la vie à l'extérieur amène d'autres influences. Vous chantez ce que vous voyez et de quelle manière vous le vivez. Notre vie au Kenya n'est pas la même qu'au Canada. Ce que je vis chez moi doit transparaître dans mes chansons.»

Dans le cadre des 25es Nuits d'Afrique, Makadem se produit mardi, 21h30, au Balattou.