Pour son 25anniversaire, le Festival des arts de Saint-Sauveur (FASS) s'est offert une myriade d'invités de marque. Alors que Martha Wainwright et Yannick Nézet-Séguin seront en vedette dans le volet musical, Louise Lecavalier, Soledad Barrio et Misty Copeland brilleront sur la scène du Grand Chapiteau. Entrevue avec Guillaume Côté, danseur étoile et directeur artistique de l'événement, pour qui danse classique doit plus que jamais se conjuguer avec diversité.

Depuis sa création, au début des années 90, le Festival des arts de Saint-Sauveur a fait un sacré bout de chemin. L'événement qui prend son envol ce soir attire désormais les plus grands noms de la scène internationale. Pas étonnant donc d'y voir cette année une ballerine comme Misty Copeland participer à «La soirée des étoiles». 

Une danseuse-vedette, mais surtout un symbole très fort d'ouverture et de démocratisation de la danse classique aujourd'hui. La jeune femme de 33 ans, qui signe sa biographie Une vie en mouvement, sortie un peu plus tôt cet été, est en effet la toute première danseuse afro-américaine à avoir accédé, en 2015, au titre de danseuse étoile à l'American Ballet Theatre à New York. Elle est également la première danseuse classique noire à danser le Lac des Cygnes à la Metropolitan Opera House de New York.

Pour Guillaume Côté, il s'agit d'un grand pas en avant pour la danse, bien que de gros efforts restent encore à faire en ce sens.

«Il y a encore beaucoup de travail à faire dans les compagnies, mais surtout dans les écoles en matière de diversité. C'est le temps de changer les choses», lance le directeur artistique du festival et danseur du National Ballet of Canada.

Danseuse pour Prince, vedette du prochain Casse-Noisette de Disney aux côtés de Morgan Freeman (date de sortie encore inconnue), Misty Copeland a également une poupée Barbie à son effigie. La jeune femme a fait de l'accès à la danse classique pour tous son cheval de bataille, à contre-courant de la tradition du «ballet blanc» à l'image des ballerines sur pointes des tableaux de Degas. 

Faisant elle-même face au racisme discret (on lui demande de blanchir son teint avant de monter sur scène), Misty Copeland ne baisse jamais les bras. «Beaucoup de gens considéraient que notre seule présence rendait le ballet moins authentique, moins romantique, moins vrai», écrit-elle dans sa biographie.

Issue de la banlieue ouvrière de Los Angeles, elle s'est hissée à force de travail acharné au rang qui lui revient aujourd'hui. Il aura ainsi fallu 75 ans pour que la première danseuse étoile afro-américaine soit nommée au plus haut titre de l'institution new-yorkaise.

«J'ai invité Misty Copeland parce qu'elle est une des meilleures danseuses au monde en ce moment, mais aussi parce qu'elle a changé le visage de la danse classique. C'est un nouveau souffle très positif pour la danse classique», explique Guillaume Côté.

Pour le directeur artistique du FASS, c'est aussi le style de Misty Copeland qui la rend si singulière. «C'est une parfaite combinaison de classicisme et de perfection. Elle a aussi un côté athlétique. Sa manière de bouger apporte quelque chose de nouveau. Avant, on voyait les ballerines très délicates mises de l'avant, mais Misty apporte un côté puissant au classicisme», explique-t-il à propos de la ballerine qu'on pourra voir danser les 12 et 13 août le pas de deux de la scène du balcon dans le Roméo et Juliette de Kenneth MacMillan, mais aussi une pièce créée sur mesure pour elle par Marcelo Gomes, intitulée Toccare.

Au cours de La soirée des étoiles, le public pourra également applaudir d'autres grands noms de la danse, dont Guillaume Côté lui-même, qui interprétera un extrait de La Belle au bois dormant de Rudolf Noureev, puis de Diamonds de George Balanchine.

«On a la chance d'avoir avec nous Nehemiah Kish et Yuhui Choe du The Royal Ballet. Ils vont danser le pas de deux de Tchaïkovski, mais aussi une nouvelle pièce de Liam Scarlett, un chorégraphe très demandé actuellement», précise le directeur artistique de l'événement qui comptera également la danseuse Anne Plamondon, de la compagnie RUBBERBANDance.

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Festival des arts de Saint-Sauveur, jusqu'au 13 août.

Trois suggestions du directeur artistique Guillaume Côté

Martha Wainwright

«C'est un spectacle à voir! Martha est passionnée de danse et voulait en profiter pour présenter son nouvel album. Elle m'a suggéré de faire appel à des chorégraphes, de jeunes Montréalais talentueux. J'ai demandé à Vanesa Garcia, Véronique Giasson, Sara Harton et Andrew Skeels d'assurer la mise en scène du spectacle avec des créations sur ces nouvelles chansons jamais encore entendues. Ça sera une soirée pleine de surprises. Martha va peut-être danser. Qui sait?»

L.E.V. Company

«La danseuse et chorégraphe israélienne Sharon Eyal se fait rare au Canada. Sa compagnie créée en 2013 a longtemps été associée à la mouvance gaga d'Ohad Naharin. Sharon propose OCD Love, une création très jeune et dynamique pour six danseurs. C'est nouveau comme style au FASS. J'ai hâte de voir la réception du public.»

Bryan Arias, A rather lovely thing

«Il s'agit d'une nouvelle création complète du danseur Bryan Arias, interprète-vedette pour Crystal Pite en ce moment. C'est aussi un des meilleurs chorégraphes que j'aie jamais vus et je voulais lui donner l'opportunité de le montrer. En tant que directeur artistique, j'ai la responsabilité de développer du talent et de prendre certains risques. Cette pièce sera présentée plus tard dans l'année à Danse Danse. J'aimerais que le FASS devienne une extension estivale de la programmation de Montréal pendant l'année.»

PHOTO Martin Chamberland, Archives LA PRESSE

Guillaume Côté, danseur étoile et directeur artistique du Festival des arts de Saint-Sauveur