Il est l'architecte du son funk-R&B de La Nouvelle-Orléans, l'homme de l'ombre derrière les Meters, Dr. John, Lee Dorsey et plusieurs autres talents bruts issus de la riche tradition musicale louisianaise. À 71 ans, l'ambassadeur attitré de la musique des bayous vient présenter un concert piano solo et participer au Mardi gras qui clôturera le FIJM, tout juste après avoir répondu présent à un concert de solidarité pour les sinistrés du gâchis de BP.

«Je suis revenu habiter à La Nouvelle-Orléans», dit Allen Toussaint, dont la maison a été rebâtie après le passage dévastateur de l'ouragan Katrina, en 2005.

«Je garde cependant un pied-à-terre à New York. Je suis vraiment heureux d'être retourné dans le Sud. L'esprit est bon, là-bas, je peux vous assurer que la vie a repris, même s'il reste encore beaucoup de travail de reconstruction dans certaines zones résidentielles. Quant à la vie musicale, elle est aussi revenue, la plupart des musiciens qui avaient quitté la ville sont revenus, mais les autres qui doivent encore vivre en exil aident la ville puisqu'ils sont devenus ses ambassadeurs. Ainsi, une partie de notre vie, de notre musique, s'est rapprochée de gens qui n'ont pas eu la chance de la découvrir.»

Allen Toussaint, lui, est sans doute le plus grand ambassadeur de la musique louisianaise. Depuis presque 50 ans, le pianiste, compositeur, arrangeur et producteur a pris le relais des bâtisseurs du blues et du jazz de la fin du XIXe siècle, donnant un second souffle et une créativité nouvelle à ces musiques fondatrices de la musique populaire américaine. «C'est un privilège pour moi de pouvoir parler au nom de ma région, dit-il. D'autant plus qu'à cause de ces tragédies qui nous frappent - l'ouragan, et maintenant la fuite de pétrole -, nous découvrons combien les gens de l'extérieur de la région sont bons, combien ils nous appuient. En tant que porte-parole, j'ai la chance de pouvoir leur dire merci.»

Retour à la scène

Après avoir longtemps oeuvré derrière les Meters et Dr. John, pour ne nommer qu'eux, lançant occasionnellement des albums de funk et de R&B classiques - son disque Toussaint, par exemple, chef-d'oeuvre du genre daté de 1971 -, Toussaint est revenu à la scène en tant qu'artiste solo depuis quelques années, d'abord par l'excellente collaboration avec Elvis Costello (The River in Reverse, 2005, son album post-Katrina), puis The Bright Mississippi, album de reprises blues et jazz lancé l'an dernier.

C'est d'abord en solo, avec son piano, au Gesù, que Toussaint se présentera devant nous. «Je dois avouer que ma zone de confort, c'est en studio, concède la légende. Mais depuis Katrina, parce qu'on m'invite beaucoup, j'occupe davantage le devant de la scène, que ce soit en solo ou avec mon orchestre. Franchement, c'est gratifiant. Lorsque les gens reconnaissent mes chansons, ou celles que j'ai écrites pour d'autres, beaucoup réalisent que ça vient de moi.»

Prenez un risque et allez entendre le grand Allen Toussaint. Vous vous surprendrez à fredonner ces airs entrés dans l'inconscient collectif, en vous disant: ah! c'est lui...

Allen Toussaint, en spectacle au Gesù, demain à 18h, et à la Grande soirée Mardi gras, le 6 juillet.