Les Moody Blues auraient pu être un de ces nombreux groupes qui ont une chanson à succès et qu'on oublie aussitôt. Mais grâce à quelques heureux accidents de parcours, le quintette devenu trio fait carrière depuis 46 ans et nous revient ce soir à Wilfrid-Pelletier.

«Rien que d'y repenser, ça me donne la trouille!» avoue dans un éclat de rire Graeme Edge, le batteur des Moody Blues, au bout du fil. Nous sommes en 1966, les Moody Blues sont sans le sou et sans espoir. Le guitariste Denny Laine, chanteur de leur unique succès (Go Now), vient de quitter le groupe, qui pense sérieusement à se saborder. Mais voilà que leur compagnie de disques leur propose d'enregistrer la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak avec un orchestre symphonique pour illustrer les possibilités nouvelles de la stéréophonie. Grâce à la complicité de l'orchestrateur Peter Knight, les Moodies enregistreront plutôt leurs propres chansons (Nights in White Satin, Tuesday Afternoon) sur un album symphonique qui compte parmi les classiques de l'histoire du rock: Days of Future Passed.

 

Peu après, me raconte Edge, les Moody Blues participent à un très long spectacle au Midem de Cannes. Ils ne devaient pas être de la partie télévisée du spectacle, mais un autre groupe a eu un empêchement et la France les voit chanter Nights in White Satin en direct à la télé. Le lendemain, les Français s'arrachent cette chanson et la compagnie de disques ne fournit plus. Les Moodies rencontreront éventuellement le grand Léo Ferré qui leur fera un coup de chapeau dans sa chanson C'est extra.

«C'était un monsieur très gentil et il a dit des choses merveilleuses à propos de notre musique, dit Edge. Nous devions faire de la musique avec lui, mais nos agents respectifs ont tout bousillé. La France nous a adoptés une bonne année et demie avant les autres. D'ailleurs, Justin (Hayward) et John (Lodge) - NDLR: les deux autres Moody Blues qui sont encore de l'aventure - vivent en France.»

Une leçon des Beatles

Les Moody Blues ont participé à la dernière tournée britannique des Beatles et ils en ont tiré une leçon essentielle. «Ces gars-là n'avaient pas de vie, se rappelle Edge. Il n'avaient même pas le droit de sortir de leur hôtel pour faire une promenade, c'était horrible.»

Les Moodies ont donc décidé de garder un profil bas, mais l'aura de mystère qui les entourait, alimentée par leurs albums-concepts, leur utilisation du mellotron et du sitar et leurs textes qui se prêtaient à toutes sortes d'interprétations, ne les a pas protégés pour autant de certains fans illuminés.

L'une d'entre elles a pénétré dans la maison du flûtiste Ray Thomas par la fenêtre de la salle de bains, ce qui a donné aux Beatles l'idée d'écrire She Came In Through the Bathroom Window. Les Moody Blues chantaient Timothy Leary et Om et ils étaient devenus des espèces de gourous.

«On se posait à peu près les mêmes questions que nos fans, mais parce qu'on se les posait à voix haute, ils s'imaginaient que nous connaissions les réponses, raconte Edge. C'était courant à l'époque: Steven Spielberg a déjà averti un cinéaste qui venait de faire un film semblable à son Close Encounters of the Third Kind qu'on s'imaginerait désormais qu'il communique avec les extraterrestres et qu'il fait partie d'une vaste conspiration.»

Les Moody Blues ont été associés au rock progressif du début des années 70. Pourtant, leur musique, beaucoup plus douce, était basée sur les mélodies et les harmonies vocales plutôt que sur les prouesses instrumentales. «Mais on nous disait que nous avions un son un peu plus rock sur scène, ce qui m'a toujours fait plaisir, commente Edge. Nos chansons sont notre force. Si nous avons connu une aussi longue carrière, c'est parce que nous avons des chansons très solides sur lesquelles nous pouvons nous appuyer. Aujourd'hui, il y a six ou sept chansons qu'il faut absolument jouer et on complète le programme en choisissant parmi une quarantaine d'autres.»

Et s'il fallait que l'un des trois derniers Moody Blues quitte à son tour, serait-ce la fin du groupe? «Je ne sais pas si Justin ou John continueraient sans moi, j'espère qu'ils ne le feraient pas, répond le batteur. Mais sans Justin ou John, on ne pourrait pas continuer parce qu'on ne fait pas de chansons si le gars qui les chantait n'est plus du groupe.»

Les MOODY BLUES, à Wilfrid-Pelletier, ce soir, 19h30.