Tout au long du Festival de jazz, notre journaliste parcourt les différentes scènes et nous offre un compte rendu des spectacles qui ont retenu son attention.

Cyrille Aimée: l'enfant chérie

On le sait depuis un moment, Cyrille Aimée est une enfant chérie du jazz pop, à Paris comme à New York, incessamment à Montréal si l'on se fie aux réactions observées samedi à L'Astral.

Pourquoi donc ? Pour son bilinguisme charmant. Pour son anglais teinté de cet accent frenchy qui fait tant craquer les Amerloques. Pour son chien, pour sa dégaine sexy et vitaminée, pour ses mixtions de vieux jazz et de swing manouche, pour ses chansons aussi françaises, pour son mélange circonspect de standards et de musiques originales, pour ses légères actualisations reggae folk et... pour sa vision plutôt convenue de la musique.

Cyrille Aimée joue à la fois les cartes françaises et américaines, même ses chansons originales ont un parfum d'une autre époque, sauf exception.

Elle est tombée dedans quand elle était petite, faut-il rappeler. Elle a grandi carrément à Samois-sur-Seine, là où vivait le grand Django Reinhardt et où se tient annuellement un festival de jazz manouche à sa mémoire et en son honneur.

D'où la forte empreinte des gens du voyage dans l'art de Cyrille Aimée. D'où l'embauche de l'excellent guitariste swing manouche Adrien Moignard et autres jazzmen aguerris ayant parfaitement saisi cette esthétique. Aucune préfabrication au programme, donc.

Voilà autant de munitions pour un mélange explosif... et pour la conquête imminente d'un très grand public. Ce fut déjà l'Upstairs à guichets fermés, ce fut samedi L'Astral rempli à ras bord, ce sera un jour le Théâtre Maisonneuve.

C'est écrit dans le ciel, cette créature irrésistible sera une star du jazz. Dans pas très longtemps, je crois. On parie ?

Avishai Cohen : contribuer d'un jazz authentiquement israélien

Fort d'une impressionnante discographie à titre de leader, soit une quinzaine d'albums lancés depuis 1998, le contrebassiste Avishai Cohen est un musicien très prolifique. Et ses inconditionnels ont eu samedi l'occasion d'admirer cette prolificité dans un Monument-National rempli à craquer.

On l'a déjà entendu dans plusieurs contextes, soit avec des musiciens de différents horizons, mais... ce qui frappe dans la musique que préconise le contrebassiste, c'est l'intégration de son patrimoine hébraïque, ses affinités musicales avec le Moyen-Orient, certaines musiques latines (argentines, etc.), certaines musiques classiques d'Europe (romantique et impressionniste), le blues afro-américain et, il va sans dire, le jazz contemporain. Si ce trio du contrebassiste israélien fédère tant de jazzophiles, c'est parce qu'il exprime à la fois sa vision universelle et ses racines.

Musicalement, cet ensemble se fonde sur un dialogue égalitaire entre ses participants. La contrebasse ne s'y limite pas au soutien rythmique et au complément du discours pianistique signé Omri Mor ; très souvent, on assiste à la surimpression de phrases, et ces interventions peuvent être intercalées de séquences plus rythmiques que propulse cet excellent batteur qu'est Daniel Dor.

Encore faut-il souligner l'implication émotionnelle et physique de ces interprètes de très bonne tenue. On en ressent l'impulsion, on en goûte la culture, sans pour autant conclure à des musiques visionnaires ou hautement virtuoses. En fait, les balises mélodiques et les référents stylistiques permettent à tout auditeur de prendre part au voyage. Qui plus est, le lyrisme et la passion sont toujours présents. Ce qui n'est certes pas étranger aux multiples ovations récoltées samedi soir. Tous ces facteurs concourent au succès d'Avishai Cohen, contributeur d'un jazz authentiquement israélien.

Lizz Wright chez Christian Scott... et de trois!

Pour coiffer cette première part de la série Invitation, le trompettiste Christian Scott et son ensemble ont partagé la scène avec la chanteuse afro-américaine Lizz Wright. Ils ont ainsi donné une tout autre couleur au répertoire de leur invitée. Le programme a semblé un peu hirsute en ce sens que les séquences instrumentales différaient des parties chantées, mais... on a pu constater à coup sûr la polyvalence de ses interprètes.

Lizz Wright a d'abord chanté My Heart, jazzy, bluesy avec une touche gospel mettant en valeur sa magnifique voix d'alto, ronde comme son visage de lune, ensoleillée comme le jaune éclatant de ses vêtements de scène.

Après une introduction de piano préparé, le sextuor s'est mis au service d'un grand classique folk signé Neil Young : Old Man dévoilait un tout autre visage, c'est le moins qu'on puisse dire ! La chanteuse s'est ensuite élancée sur Freedom, hymne très incarné, non sans rappeler l'éclat d'une Nina Simone. Pour coiffer le tout, la chanteuse invitée a superbement entonné Surrender, qui nous a d'ailleurs permis de découvrir le talent vocal de l'excellente flûtiste Elena Pinderhughes - la prochaine Esperanza Spalding ? Cette exécution a suscité une ovation... suivie d'aucun rappel, horaire de festival oblige. Coït interrompu...

Le FIJM 2016 étant une occasion de réfléchir à la relance du jazz et la reconquête des jeunes générations de mélomanes, les trois concerts de Christian Scott au Gesù en autant de soirs ont été des exemples plus que probants pour illustrer la pertinence et l'actualité criante du genre. Ce que le trompettiste louisianais nomme « stretch music » est beaucoup plus qu'un alliage spectaculaire, les prolongements de ce jazz sont plus riches que de simples associations aux tendances cool du moment, qu'elles soient hip-hop, rock ou électro. À l'évidence, le résultat dépasse la somme de ses (nombreuses) parties.

Le spectacle de Sugarhill Gang annulé à la dernière minute

À quelques minutes d'avis seulement, le spectacle de Sugarhill Gang au Club Soda a été annulé samedi, « pour des raisons hors de notre contrôle », ont fait savoir par communiqué les organisateurs du Festival international de jazz de Montréal. « Les clients seront remboursés, soit par carte de crédit si [les billets ont été] achetés via internet, [soit] directement à la billetterie du Club Soda s'ils ont [été] achetés sur place », a-t-on indiqué.

- La Presse