Un concert-fleuve d'une durée de trois heures rassemblant sept solistes ovationnés par un auditoire de quelque 5000 personnes marquait hier soir à l'Amphithéâtre, sous un beau ciel d'été, l'ouverture du 33e Festival de Lanaudière.

Rêve, devenu réalité, du fondateur du Festival, le très regretté père Fernand Lindsay, l'Amphithéâtre portera désormais son nom -ce nom qu'on aurait dû lui donner dès son inauguration, il y a 20 ans cette année.

La ministre de la Culture du Québec, Mme Christine St-Pierre, a annoncé la nouvelle à la foule en début de concert -confirmé, en fait, ce qu'on avait pu lire dans ces pages mardi dernier. La ministre a aussi annoncé une subvention de 1 362 000 $ pour l'installation, dès l'an prochain, de quatre écrans géants qui permettront aux spectateurs éloignés d'avoir, sur la pelouse, la même vue de la scène que les spectateurs assis sous la partie couverte.

Le concert inaugural était donné par ce «pick-up» aux effectifs variables, appelé Orchestre du Festival, qui réunissait hier soir 90 musiciens recrutés parmi nos différentes formations, OSM, OM, Musici et autres, tous placés sous l'experte direction de Jean-Marie Zeitouni.

Selon la tradition instaurée par le père Lindsay, le concert nous a valu une révélation en la personne de Heidi Melton, jeune soprano dramatique américaine complètement inconnue appelée à en remplacer une autre à quelques jours d'avis.

Le physique et la voix sont en accord: extrêmement imposants et... on ne peut plus wagnériens. La voix est projetée avec la force et la précision d'un coup de canon; éclatante à l'aigu, très appuyée au grave, elle est capable de nuance autant que de puissance. La vraie voix wagnérienne qu'on attend depuis Flagstad et Nilsson, la voici peut-être.

On s'étonne que Heidi Melton n'ait pas chanté le Liebestod, page finale de Tristan und Isolde entendue dans la version orchestrale. Mais là comme dans le Prélude, Zeitouni obtint une interprétation où la passion dévorante engloutissait les petites imperfections de cet «orchestre d'un soir». Même chose dans ces Préludes de Liszt animés du plus beau souffle.

Zeitouni et l'orchestre sont revenus à Wagner en fin de concert avec, comme rappel, la fameuse Chevauchée des Valkyries.

Alain Lefèvre devait ouvrir la longue soirée avec le premier Concerto de Chopin. Un quatuor de cornistes le précéda, dans le premier mouvement du rare Konzertstück de Schumann, cette sonnerie de cuivres remplaçant celle de Jacques Hétu qui annonce habituellement les concerts de l'Amphithéâtre. Pour l'ensemble, une bonne lecture. (À l'origine, le Schumann devait être donné dans sa version complète en trois mouvements.)

L'«ambassadeur» Lefèvre suivit avec son Chopin tour à tour musical et gavroche, marqué de quelques fausses notes attribuables à l'humidité et assorti d'un intéressant relief de la main gauche et d'un mouvement lent très étiré et pourtant convaincant. La foule a éclaté en applaudissements trois mesures avant la fin du concerto.

Le (la) septième soliste, une très jeune, très mince et très blonde violoniste russe du nom de Alina Ibragimova, montra dans le Mendelssohn une bonne technique et un certain sens de l'expression. Hélas! Il y a là un grave problème: la petite éprouve de la difficulté à jouer juste du commencement à la fin d'une phrase...

ORCHESTRE DU FESTIVAL. Chef d'orchestre: Jean-Marie Zeitouni. Solistes: Louis-Philippe Marsolais, Marjolaine Goulet, Guy Carmichael et Louis-Pierre Bergeron, cornistes, Alain Lefèvre, pianiste, Alina Ibragimova, violoniste, et Heidi Melton, soprano. Hier soir, Amphithéâtre Fernand-Lindsay, de Joliette. Concert inaugural du 33e Festival de Lanaudière.

Programme:

Premier mouvement du Konzertstück en fa majeur pour quatre cors et orchestre, op. 86 (1849) -Schumann

Concerto pour piano et orchestre no 1, en mi mineur, op. 11 (1830) -Chopin

Prélude et Liebestod, version orchestrale, de Tristan und Isolde (1865)    -Wagner

Concerto pour violon et orchestre en mi mineur, op. 64 (1844) -Mendelssohn

Air «Dich, teure Halle», de Tannhäuser (1845); airs «Der Männer Sippe» et «Du bist der Lenz», de Die Walküre (1870) -Wagner

Les Préludes, S. 97 (1848-54) -Liszt