Difficile d'imaginer une aire aussi vaste afficher complet. Ce sera pourtant le cas pour les concerts de Santana, Rush, The Black Eyed Peas ou Rammstein au cours des jours qui viennent.

Estimant avoir atteint sa limite de vente de forfaits valables pour la durée entière de la manifestation, le Festival d'été de Québec (FEQ) doit désormais gérer un très beau problème: les plaines d'Abraham déjà à guichets fermés quatre soirées durant, d'ici la fin du Festival.

Les concerts d'Arcade Fire (ce soir), Gilles Vigneault et Billy Talent pourront cependant accueillir de nouveaux visiteurs, car le FEQ a mis en vente des forfaits d'une journée - au coût de 25$. Ces ventes pour le moins spectaculaires devraient normalement mener le Festival à franchir le cap du million et demi de personnes le soir du 18 juillet, dernier soir de sa 43e programmation.

On l'a d'ailleurs constaté vendredi, alors que les plaines d'Abraham étaient peuplées de 75 000 fans pour le concert du groupe Iron Maiden. Selon les promoteurs du Festival d'été de Québec, ils étaient surtout issus de la grande région de Québec, alors qu'au moins 30% de l'assistance était venue d'ailleurs pour assister à cette soirée hard rock/métal.

Comment, au fait, en arrive-t-on à payer toutes ces superstars tout en vendant le laissez-passer pour une somme plus qu'abordable (de 40$ à 50$)? En en vendant 150000, un sommet historique atteint samedi.

«Il faut capitaliser sur notre capacité d'accueil. Nous sommes en pleine ville et, à deux minutes de marche, nous pouvons compter sur un terrain qui peut accueillir 100 000 personnes. Au Québec, nous sommes les seuls à jouir de cet avantage. C'est pourquoi le volume possible de notre clientèle nous permet de vendre moins cher à plus de monde. Le Festival international de jazz de Montréal, par exemple, vient de rendre publique la somme de 4,25 millions de revenus à la billetterie, alors que nous aurons des revenus à la billetterie d'à peu près 6 millions cette année », explique Daniel Gélinas, directeur général du Festival d'été de Québec.

La place du français

Cette exigence de l'affluence sur les Plaines implique cependant des choix de programmation qui se font au détriment du français, comme l'ont noté maints observateurs et artistes.

«Notre plan de croissance est en marche depuis 2004, rappelle M. Gélinas. Quand on va dans les créneaux plus jeunes et plus populaires, il faut des contenus qui permettent de remplir le terrain.»

Un argument que partage Dominique Goulet, directrice de la programmation du FEQ, qui juge qu'il est difficile de faire beaucoup plus sur les Plaines pour les contenus francophones, c'est-à-dire trois soirées (sur 11) qui y sont consacrées. Non sans difficulté, d'ailleurs: samedi soir, Lara Fabian a attiré 15 000 personnes sur les Plaines, soit cinq fois moins qu'Iron Maiden la veille.

«Avec l'offre internationale, remplir les Plaines, c'est déjà quelque chose, signale-t-elle. Dans le créneau francophone, c'est un défi supplémentaire. Ça n'empêche pas qu'il y ait du contenu francophone ailleurs dans le festival. Par exemple, nous présentons un des seuls shows de Karkwa cet été - en formule carte blanche. Il nous faut donc présenter les artistes francophones dans des contextes gagnants. On ne pourrait produire Karkwa seul sur les Plaines, par exemple.»

Dans cette optique, on a considéré que Loco Locass pourrait y parvenir avec Gilles Vigneault. «Même M. Vigneault était stressé, indique Daniel Gélinas. Il m'a demandé s'il y aurait vraiment du monde. Or, nous savions qu'il donnera un spectacle unique dans un contexte unique. Il a 81 ans, c'est sûr que les gens y seront.»

Le directeur général du FEQ préfère souligner les avantages financiers que procurent les blockbusters présentés aux Plaines.

«Les stars internationales comme Santana, The Black Eyed Peas ou encore Rammstein en exclusivité nord-américaine nous procurent des revenus qui bonifient les autres scènes du festival, qui améliorent la qualité dans différents créneaux - francophone, musiques du monde, etc. Manifestement, ça marche.»

Les autres scènes extérieures et la programmation en salle (à l'Impérial, notamment) attirent en effet leur lot de fans qui ne sont peut-être pas attirés par tous les grands noms prévus aux Plaines. Ce week-end, on pouvait constater la diversité des clientèles présentes à la place d'Youville ou encore au parc de la Francophonie, de Yann Perreau aux Éthiopiques en passant par le concert arabo-andalou d'Enrico Macias ou la formation montréalaise pop indie Think About Life.

«Ce moteur financier sert à générer autre chose, insiste Dominique Goulet. Sur les autres scènes, nous ne sommes pas assujettis à la rentabilité. Nous pouvons y aller pour le contenu.»