Le Murat qui nous est enfin revenu après 10 ans d'absence, hier soir à L'Astral, n'était pas celui caché dans la pénombre que j'avais découvert à Bourges, ni le chanteur aux pieds nus qui nous avait fait son bivouac à la Maison de la culture Frontenac, pas plus que le petit malin qui s'était amusé à déconstruire ses chansons avec des machines au Cabaret.

Jean-Louis Murat nous a donné hier le spectacle total qu'on attendait depuis longtemps de cet artiste unique. Une soirée où la finesse et l'élégance du langage, presque d'une autre époque, se mariaient à un rock de guitares, une combinaison plutôt rare de nos jours et qui a permis à L'examen de minuit de Baudelaire et Ferré, servie à la toute fin, de devenir tout naturellement du Murat, parfaitement assumé.

Murat est aussi un chanteur d'exception dont la voix était bien en évidence dans les finales presque a cappella de plusieurs chansons ainsi que dans la délicieusement dépouillée Chanter est ma façon d'errer. Mais cette voix chaude et paresseuse s'est fréquemment échappée de sa zone de confort pour mordre dans l'inédite Pauline à cheval ou carrément faire oublier la choriste qui chantait avec lui dans la version studio de Falling in Love Again.

On a également pu apprécier les idées du guitariste Murat magnifiquement appuyé par ses potes Clavaizolle (claviers), Jimenez (basse) et Reynaud (batterie), capables de le suivre dans les ballades planantes et les slows cochons aussi bien que dans le rock nerveux ou l'intro funky de la toujours belle Dans un train bleu qui n'aurait pas déplu à Booker T. and the MG's.

Murat nous a servi deux chansons inédites (Pauline à cheval et Yes Sir), des choses moins connues de son répertoire et une généreuse ration de son excellent dernier album, Le cours ordinaire des choses. La version rageuse qu'il a faite de Comme un incendie était une pièce d'anthologie avec un petit côté Doors qui lui allait à ravir.

Plus la soirée avançait, plus le timide en lui se dégelait, les blagues succédant aux mercis furtifs du début. Si ce diable d'Auvergnat est capable de sortir un nouvel album tous les ans, pourquoi ne l'inviterait-on pas aussi fréquemment aux Francos en commençant dès l'an prochain?

En attendant, il chante encore ce soir et demain à L'Astral. Ne ratez surtout pas ça.