C'est l'un des plus beaux disques jamais produits au Québec, l'un des plus méconnus aussi, un album qui a influencé aussi bien Les Cowboys Fringants, Vincent Vallières, Yann Perreau que les Vulgaires Machins. C'est l'album La nuit dérobée du groupe Les Chiens, mené par Éric Goulet. Pour célébrer les 10 ans de ce disque-culte et sa réédition sur CD et vinyle, Goulet et ses compagnons vont l'interpréter intégralement, ce soir, aux FrancoFolies.

«Les gens sont beaux l'après-midi/Mais Montréal est plus belle la nuit»: c'est ainsi que débute la chanson-titre de La nuit dérobée. Ce soir, à 23 h, angle Sainte-Catherine et Jeanne-Mance, Montréal sera encore plus belle parce que Les Chiens la chanteront.

De l'artisanat pur et dur

La nuit dérobée a très bien vieilli et s'écoute aujourd'hui avec autant de bonheur qu'en 2000. L'album avait reçu à l'époque le Félix du meilleur album alternatif et avait attiré l'attention sur Goulet comme réalisateur hors pair.

«On avait pourtant enregistré sans argent et sans matériel, genre une paire de micros à 100 $, dans mon appartement, se remémore l'auteur-compositeur-interprète-réalisateur (WD-40, Yann Perreau, Vincent Vallières, Steve Veilleux, etc.). C'était de l'artisanat pur et dur... J'ai gardé ce côté artisanal, mais disons qu'aujourd'hui j'utilise aussi la technologie. On n'est pas obligé de se forcer à ne pas avoir de moyens!»

En 2000, les chansons de l'album mêlaient, pour l'une des premières fois au Québec, des propos intimes (de très beaux textes, en passant) et du rock, parfois très planant, parfois plus électrique.

«C'est un disque fondateur de ma manière de faire et qui m'a permis d'avoir cinq, six contrats de réalisation», explique Goulet.

«Mais je suis un peu mal à l'aise, en le réécoutant, de voir à quel point les autres gars n'avaient pas beaucoup de place sur l'album, avec des chansons parfois sans batterie ou sans basse. C'est pour ça que ça va être le fun de le rejouer intégralement. On va le faire plus électrique, quoique sans distorsion, et avec de vrais claviers, et peut-être pas dans le même ordre. On en discute encore.»

Sans amertume

Réalisateur chevronné, auteur-compositeur (ses deux albums solo sous le nom de Monsieur Mono valent aussi le détour, particulièrement Pleurer la mer Morte, un petit chef-d'oeuvre si on me demande mon avis), Éric Goulet aurait toutes les raisons d'être amer: que ce soit avec son premier groupe, Possession simple, ou avec Les Chiens, les obstacles et les problèmes (fraudes, contrats bidon, manque de promo, etc.) ont toujours été de la partie. C'est en bonne partie grâce à son métier de réalisateur qu'il réussit à joindre les deux bouts. Pourquoi si peu d'amertume?

«C'est sûr que je sacre, des fois, répond gentiment Goulet, et c'est un combat, un défi de tous les instants pour garder la motivation et la foi. Mais étrangement, ce qui m'a sauvé, c'est peut-être de n'avoir jamais connu un succès commercial. Si Possession avait marché en 1988, sans doute que je ne serais pas ici aujourd'hui. Et puis ce qui est bien, c'est que chaque fois que je surmonte un obstacle, je suis content, et tout ce qui vient de bon après, c'est un bonus!»

Si le batteur Olivier Renaldin n'est plus de la formation depuis six ans - il a été remplacé avec brio par Marc Chartrain -, le bassiste Nicolas Jouannaut, lui, est toujours au poste. Ce soir, Nico et Éric seront accompagnés par le guitariste André Papanicolaou et le claviériste Patrick Gosselin. Le disque La nuit dérobée, lui, sera en vente dans la tente-magasin de disques montée sur le site des FrancoFolies. On le trouve aussi sur bluetracks.ca.

Ce soir, pour reprendre le titre d'une des plus belles chansons de l'album, La ville en feu vibrera avec Les Chiens.