Gros vendredi soir d'été aux Francos: deux salles bondées et, entre les deux, une mer de monde qui tentait tant bien que mal de se faufiler jusqu'à la fête de la Compagnie Créole.

Commençons par la fin, tout en sourires, qui nous attendait à l'Astral avec Tricot Machine.

Commencer par la fin, c'est justement ce que Catherine Leduc et Matthieu Beaumont ont fait en lançant leur spectacle par À l'autre bout / 2e rang, la toute dernière pièce de leur nouvel album qui s'est aussitôt arrimée à la chanson titre de ce très beau disque, La prochaine étape. Sous les mobiles de bernaches et d'un coeur accrochés au plafond, Matthieu s'est installé au piano, Catherine a soufflé dans son mélodica et ce public qui les attendait depuis un moment déjà est aussitôt tombé sous le charme de leurs voix naturelles et de leur musique tantôt réjouissante, tantôt mélancolique, mais jamais banale.

Malgré des textes qui ne le sont pas toujours, le sentiment de bonheur et de légèreté qui se dégage des chansons de Tricot Machine est décuplé en spectacle. À cause évidemment de la rayonnante chanteuse qui sautille et tape des mains avec un plaisir contagieux sur un rythme à la We Will Rock You pendant Défier les rites. À cause aussi de la fraîcheur, de la spontanéité et du côté bon enfant, naïf peut-être mais pas gnan-gnan, qui les anime.

Vendredi, ils étaient entourés de huit amis choristes, quatre gars et quatre filles habillés en louveteaux et en jeannettes comme le couple vedette. Un thème qu'ils ont exploité à fond dans leurs interventions entre les chansons qui prenaient souvent la forme de dialogues décousus entre Matthieu et Catherine. «Tout va tellement plus drette quand c'est un peu tout croche», comme ils l'ont chanté dans Radar en nous disant au revoir.

En 80 minutes, Tricot Machine nous a livré son nouvel album en entier, moins les courts intermèdes musicaux, et un peu plus de la moitié du premier, dont L'ours, «une vraie chanson scout» et les pas très hop la vie Ambulance, à la finale très intense, et Super ordinaire que Matthieu a chantées pendant que Catherine s'éclipsait en coulisses.

Sans être surexploités, les choeurs ont contribué bellement à des chansons comme Les oreillons et La meilleure équipe. Et le couple a été particulièrement bien servi par quatre musiciens aussi discrets qu'efficaces : le «végétéran» Mario Légaré à la basse, le guitariste (et réalisateur) David Brunet, le batteur Simon Blouin et le claviériste et tromboniste Benoît Rocheleau.Damien Robitaille

Brunet et Blouin étaient au Club Soda quelques heures plus tôt pour épauler leur ami Ben à qui on avait demandé de réchauffer la salle pour Damien Robitaille. Une mission qu'a relevée avec brio le multi-instrumentiste à l'accent de Trois-Rivières, qui pourrait être le cousin québécois du Franco-Ontarien. Au piano électrique ou au trombone, Rocheleau a une présence scénique indéniable. Sa voix rappelle un peu Dédé Fortin et ses textes sont très keb («On serait-tu ben tout nus, sans rack à boules, sans strap à gosses»).

La mise en bouche idéale pour le On est né nu qu'allait nous servir la vedette de la soirée dès son arrivée - spectaculaire - sur scène. Avec son chic costume rouge vif, son chapeau de paille, ses verres fumés et sa moustache, l'inénarrable Damien Robitaille s'est fait tour à tour Billy Bijou, son alter ego crooner de club cheapo, preacher, émule de Michael Jackson (pour le moonwalk), et de Prince (pour la voix de fausset et le funk) et soul man extraordinaire qui raconte des histoires surréalistes et des blagues débiles dont son public délirant est complice. Pendant Mot de passe («Quel est le mot de passe pour passer la nuit avec toi?»), un soutien-gorge a atterri sur scène. «Trop facile», a dit le tombeur né avant de lancer le soutien-gorge à un assistant : «Guillaume, tu le mettras avec les autres.»

Damien Robitaille donne un spectacle irrésistible, qui fait rire plus que sourire. Un show très musical même si, par moments, on aimerait que cette musique soit un peu plus pétante comme elle l'est dans Maître de mon être et Casse-tête. Robitaille, qui vient de gagner le prix Félix-Leclerc, est sur une lancée. S'il repasse en ville, ce qu'il fera sûrement, ne boudez pas votre plaisir. Vous m'en remercierez jusqu'à la fin de vos jours et peut-être même après. Alleluia!