On le sait, le public québécois aime bien se laisser parler d'amour, et c'était hier soir le programme annoncé de Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade, qui retrouvait avec bonheur le Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, où il s'est produit pour la première fois à Montréal en 2006. «Ça fait très plaisir d'être là», a-t-il lancé à la salle pleine à craquer. Tant de gens pour entendre du slam et de la poésie, c'est toujours étonnant, mais c'est normal quand on est l'ambassadeur numéro un du genre dans la francophonie.

Et c'est un public fidèle, dont l'écoute est exemplaire. Un peu turbulent lorsque Grand Corps Malade entame les textes les plus connus de ses deux premiers albums Midi 20 et Enfant de la ville, parfaitement réceptif aux nouveaux titres de 3ème temps. La puissance du slam réside avant tout dans la performance en direct que les meilleurs enregistrements ne peuvent transmettre totalement. Moins collé sur ses expériences personnelles, Fabien Marsaud dissèque le grand corps malade de la société; injustice, pauvreté, exclusion, mais sans jamais oublier d'y ajouter une note et un mot d'espoir. Voilà son remède, et pourquoi l'amour prend une grande place dans ses thèmes. À cet égard, c'est probablement la pièce Roméo kiffe Juliette qui est la plus émouvante, et dont la charge est décuplée sur scène. «Je ne sais pas ici, mais des fois, en France, c'est pas toujours la fête», a-t-il confié avant de faire Éducation nationale. Mais oui, ici aussi, l'éducation nationale, les jours de doute, les voyages en train... Sauf qu'il y a une relève dans la parole avec Mohammed, un gars de chez nous, désespérément «nouvel arrivant depuis 15 ans», en première partie du spectacle, armé seulement d'un micro et de l'accompagnement du piano, qui constate: «Si le silence est d'or, c'est peut-être pour ça que je suis pauvre.» Une découverte.

Des centaines de personnes accrochées aux lèvres du slameur à la voix profonde, il faut vivre ça au moins une fois pour comprendre le phénomène Grand Corps Malade. En style libre, à la simple évocation de Montréal, la salle a vivement réagi. On devine la fièvre que cela a dû être pendant l'hommage à Montréal, avec la musique de Yann Perreau, qu'on a malheureusement raté, heure de tombée oblige....