Weird Al Yankovic n'est pas tenu de demander la permission à qui que ce soit pour faire un pastiche de chanson ou de vidéoclip, mais il a toujours préféré que l'artiste soit dans le coup. En près de 30 ans, de très rares artistes s'y sont opposés, comme «ce petit monsieur de Minneapolis qui fait de la moto, aime la couleur pourpre et a un semblant de moustache, mais dont je ne peux mentionner le nom», m'avait dit Weird Al en entrevue en 1987.

- J'ai passé les 24 dernières années à tenter de découvrir de qui vous parliez, lui ai-je dit au téléphone cette semaine.

- C'est très mystérieux, en effet, je suis plutôt énigmatique, a répondu du tac au tac Weird Al en pouffant de rire.

Weird Al Yankovic a toutes les raisons de rigoler. MTV, qui en a fait une vedette instantanée au milieu des années 80, a cessé depuis longtemps de diffuser des vidéoclips. Pourtant, l'énergumène aux cheveux bouclés n'a jamais été aussi populaire. Mais en ce nouveau millénaire, son plan d'affaires a changé. Plutôt que de se fier à la télé conventionnelle, il met systématiquement ses clips en ligne: «Comme ça va se retrouver sur le web de toute façon, aussi bien le faire moi-même.» Et ça marche: il a atteint des sommets personnels dans les palmarès avec ses deux derniers albums, Straight Outta Lynwood et le tout récent Alpocalypse, et, bon an, mal an, il donne des concerts pendant environ trois mois. Dont les deux galas Amp'd de Just For Laughs qu'il va animer au Club Soda le 28 juillet.

En 1987, Weird Al me m'a dit avoir entendu entre les branches que Madonna avait demandé à ses proches quand il sortirait Like a Surgeon. En 2011, c'est Lady Gaga qui déclare au magazine Rolling Stone qu'une parodie de Weird Al, c'est un rite de passage. Pour le principal intéressé, ça signifie une chose: quand Weird Al se moque (gentiment) de toi, c'est un hommage doublé d'une forme de consécration. Pourquoi alors madame Gaga a-t-elle d'abord refusé que notre homme fasse une parodie de sa chanson Born This Way, rebaptisée Perform This Way?

«C'est son imprésario qui ne voulait pas, corrige Weird Al. Il affirmait qu'il faisait valider systématiquement chacune de ses décisions par Lady Gaga alors que, dans les faits, il prenait ses décisions unilatéralement. C'est donc lui qui ne voulait pas de ma parodie, mais quand Lady Gaga l'a su, elle a renversé sa décision en disant: «Non, c'est super, j'aime la chanson et je suis une fan de Weird Al; bien sûr qu'il peut la faire!»»

100 millions de clics

Le clip de Perform This Way est aussi drôle que fascinant: Weird Al se métamorphose en Lady Gaga en greffant sa tête sur un corps de jeune femme. On s'étonne qu'en 2011, un humoriste puisse se permettre d'investir de fortes sommes dans un clip qui sera vu gratuitement sur le web.

«Je ne pourrais pas me permettre de faire 12 clips comme celui-là, reconnaît Weird Al. C'est pour ça que je fais surtout des clips d'animation: j'aime l'animation et ça coûte moins cher. De toute façon, c'est le problème de ma maison de disques qui investit plus que moi là-dedans. S'ils sont d'accord pour que mes clips soient en ligne, c'est sans doute parce que chaque fois que quelqu'un voit un de mes clips sur le web, c'est une pub pour mon album. Sur le web, on offre les vidéoclips à la carte: si tu veux voir un clip, tu n'as qu'à cliquer. Mon clip White&Nerdy a généré plus de 100 millions de clics. Le fait que MTV ne diffuse plus de clips ne change pas grand-chose parce que ce n'est pas là que les gens vont voir des clips de toute façon.

«Par contre, je ne suis certainement plus le seul à faire des chansons rigolotes ou des parodies sur le web. Pour chaque chanson à succès, il existe probablement des centaines de parodies et certaines personnes peuvent avoir la même idée que moi. Donc je me mets des oeillères et je ne regarde même pas ce que font les autres. Je continue à faire mon travail comme si j'étais le seul à faire ça. Si c'est bon, les gens vont le remarquer.»

Weird Al a deux atouts importants en main: sa notoriété et sa longévité. «Plusieurs personnes très connues aujourd'hui ont grandi avec ma musique et mes parodies, raconte-t-il. Justement, j'ai participé récemment au talk-show de Jimmy Fallon qui m'a dit que le premier concert auquel il a assisté a été le mien en 1985. Et il m'a montré son talon de billet! C'est quand même bien que j'aie pu avoir un impact, quel qu'il soit, sur des gens qui sont devenus des vedettes de la comédie.»

L'animateur-chanteur

Après avoir animé un gala Just For Laughs en 1990, Weird Al a donné un spectacle au Spectrum en mars 1995 puis a participé l'année suivante à un gala anglais animé par Michel Courtemanche. Cette fois, Just For Laughs lui a demandé d'animer le gala Amp'd au Club Soda dont les participants ont tous ceci en commun qu'ils mêlent avec plaisir la musique et l'humour: Reggie Watts, Tim Minchin, Tom Green, Bo Burnham et les sûrement très rigolos même si un peu losers Garfunkel&Oates. Plutôt que de donner son spectacle complet, comme il l'a fait deux fois samedi dernier à Toronto, Weird Al fera trois ou quatre de ses chansons, avec ses propres musiciens, et présentera les autres invités.

Ces chansons, il les a évidemment déjà choisies, mais il n'en dira mot pour réserver la surprise aux spectateurs. Malheureusememnt, Perform This Way ne sera pas du lot: «C'est un de nos plus gros numéros avec de la fumée et des costumes extravagants, explique-t-il. Moi-même, je porte un gros costume de paon, semblable à celui d'une mascotte d'équipe sportive, comme dans le vidéoclip. Or, dans un gala, on essaie de faire des numéros moins complexes parce que je ne suis pas le seul artiste au programme et que la scène n'est pas très grande.»

AMP'D animé par Weird Al Yankovic, au Club Soda, le 28 juillet, à 19h et 22h.