Trois troupes belges ont répondu cette année à l'invitation du festival Montréal complètement cirque. Avec leur approche ouverte de l'art circacien, leur humour absurde et leur vision du monde toujours un peu de biais, Carré Curieux, les Zyrgomatik et Okidok s'amènent chez nous dans le but de nous faire rire et de nous étonner.

Ils étaient quatre jeunes hommes, fraîchement diplômés de l'École supérieure des arts du cirque de Bruxelles, à avoir envie de continuer à travailler ensemble tout en repoussant les limites de leur art. C'est ainsi qu'est née, il y a quatre ans, la compagnie Carré Curieux et que le spectacle Le carré curieux a vu le jour à l'hiver 2009.

Le carré curieux est moins un spectacle de performance - même si les quatre interprètes sont des virtuoses  - qu'une oeuvre hybride mêlant cirque, théâtre et danse. « Notre travail est motivé par le mouvement qui est propre au cirque, explique l'un des membres du quatuor, Kenzo Tokuoka. Mais même s'il n'y a pas de narration comme telle, le spectacle raconte une histoire. »

Cette histoire, c'est celle de quatre colocataires un peu étranges, mi-hommes mi-enfants, vivant en huis clos dans un salon surréaliste peuplé d'objets étranges. « Chaque personnage n'est pas exactement ce qu'on croyait au départ. Ils doivent apprendre à vivre ensemble tout en acceptant leurs différences, qui sont très grandes : ils n'ont pas le même passé, le même physique, le même registre. »

Les colocataires sont donc isolés dans cet espace restreint aux ressources multiples - tel un canapé aux profondeurs insoupçonnées... - et ils s'amusent beaucoup. « C'est léger et ludique et ça marche beaucoup auprès du jeune public. Mais ça intéresse aussi les adultes, car il y a un autre niveau de lecture qui suscite la réflexion, explique Kenzo Tokuoka. C'est notre cheval de bataille en fait : toucher tous les publics à tous les niveaux. »

Par exemple, le personnage que Kenzo Tokuoka incarne est androgyne et on ne sait pas tout de suite s'il est un homme ou une femme. « Il y a un rapport de séduction qui s'installe qui est intéressant. Et ça fait marrer les enfants, ce personnage en monocycle avec une longue jupe. »

Comme Kenzo sur son monocycle, tous les membres de Carré curieux ont su dépasser leurs agrès respectifs et les utiliser différemment. « La base de notre démarche est d'aborder notre technique sous un angle insolite, en dépassant la tradition, mais pas en la reniant, explique-t-il. Chaque objet est détourné de son sens. » Le diabolo de Vladimir Couprie devient alors toupie, les balles du jongleur Luca Aeschlimann se sauvent et le mât de Gert de Comman est sans attache et tient seulement par les manipulations des membres de la troupe. « Nous sommes obligés de faire contrepoids et ça devient plus un numéro d'équilibre que de force pure. »

« Il faut donner un sens à l'acte »

Kenzo Tokuoka en est conscient : Carré Curieux n'invente rien et toutes les techniques qu'ils utilisent existent depuis longtemps. Leur innovation, c'est la façon qu'ils ont de les aborder, la gestuelle qu'ils utilisent. Ils puisent d'ailleurs leur inspiration dans toutes les formes d'art de la scène. « En Europe en ce moment, il y a une espèce de retour aux traditions qui dit qu'il faut arrêter les mélanges, raconte l'acrobate. Nous sommes totalement en désaccord avec ça : tous les arts se nourrissent les uns les autres, et le cloisonnement, ce n'est pas intéressant. »

Le cirque doit évoluer avec ses créateurs, croit-il, car sa forme reste limitée. « Il faut donner un sens à l'acte. » Pour Carré Curieux, la particularité du cirque est la place du corps dans l'espace et la fascination que cela suscite. « Cet engagement, le dépassement des limites, c'est de l'ordre du surhomme. Nous voulons ramener cela à une certaine normalité en disant aux gens "Je ne suis pas plus exceptionnel que vous", tout en les faisant entrer dans une dimension très belle où on ne voit plus la technique, mais seulement une oeuvre d'art. »

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Le carré curieux, du 22 au 24 juillet à Espace Go.