Pardonnez-moi l'expression, mais il fallait des couilles grosses comme ça pour créer un spectacle de cirque contemporain sans tout l'appareillage et les agrès habituellement mis à la disposition des artistes de cirque. C'est pourtant le défi qu'a relevé la famille Carabinier et ses proches collaborateurs, hier soir, lors de la première de leur spectacle musical Timber.

Malgré la nervosité palpable des interprètes au début du spectacle, et quelques numéros à peaufiner, qui ont connu des ratages, la bande de Saint-Alphonse-Rodriguez a largement remporté son pari. Et la foule, nombreuse, n'a pas manqué de saluer le courage de ces bûcherons et bûcheronnes à la fois acrobates et musiciens, qui multiplient des numéros beaucoup plus dangereux qu'on pourrait le croire.

Il faut souligner le travail de recherche qu'ont fait les membres du Cirque Alfonse pour donner vie à ce spectacle tout droit sorti du bois. Où un bâton de draveur se transforme en mât chinois et en barre russe; où un godendart (scie à deux poignées) plié en deux sert d'anneaux chinois; où trois énormes billots de bois servent à faire un numéro de main à main à trois; où une planche sautoir a été «gossée» avec des planches de bois. Et j'en passe.

Timber est porté par un noyau dur formé d'Antoine Carabinier, Jonathan Casaubon et Guillaume Saladin - tous trois diplômés de l'École nationale de cirque. C'est sur eux que reposent les numéros acrobatiques. S'ajoutent la soeur d'Antoine, Julie, merveilleuse danseuse, chanteuse et acrobate, qui a accouché il y a sept semaines à peine d'un petit garçon, que l'on voit brièvement sur scène!

Bien, sûr, il y a le père d'Antoine, Alain, qui joue un peu le rôle d'un clown, mais qui participe aussi à certains numéros. On retient même son souffle (pour lui) dans un dangereux numéro de tour humaine. Et les trois musiciens, Josiane Laporte, David Simard et André Gagné, qui participent eux aussi, à des numéros, mais qui battent la mesure du début à la fin du spectacle, avec leurs guitares, banjos, violons, etc.

Malgré l'étiquette de cirque, la musique est une composante essentielle de Timber. Julie Carabinier y chante même deux chansons traditionnelles, comme son frère Antoine, qui y va d'une chanson grivoise au banjo, et joue même de l'harmonica pendant un numéro (à roder) où Jonathan Casaubon et Guillaume Saladin courent sur des bûches à la manière des draveurs.

Impossible de parler de tous les numéros de ce spectacle d'une heure trente. Mais le numéro de jonglerie avec des haches est, comme on s'y attendait, très impressionnant. Décliné en plusieurs versions, à deux, à trois ou à quatre personnes, nos performeurs créent une tension permanente durant ces multiples variations où chaque jongleur tient jusqu'à quatre haches.

Parmi les autres numéros marquants, il faut mentionner le duo de Jonathan Casaubon et Julie Carabinier, qui forment un couple dans la vie, dans un numéro de balançoire, qui mène à un numéro de sangles aériennes très joli.

Le volet musical, omniprésent, prend-il trop de place? Peut-être à certains moments. Comme certains passages plus anecdotiques qui s'étirent indûment. Mais la plupart du temps, les numéros acrobatiques sont magnifiquement bien liés aux performances musicales. Le tout formant un ensemble impressionnant. Qui une fois bien rodé, devrait pouvoir entamer une belle vie de tournée.

Jusqu'à dimanche à Espace GO