Pour les mélomanes et guitaristes qui l'ont déjà entendu jouer, les avis sont unanimes : Sylvain Luc est d'une classe à part. D'aucuns le considèrent comme le meilleur guitariste de jazz français et l'un des plus accomplis de l'entière planète jazz. Lui, préfère se voir humblement comme un honnête musicien basque de Bayonne, émigré à Paris.

Son profil biographique nous indique qu'il a été honoré des prix les plus prestigieux du jazz français, qu'il a joué avec une somme impressionnante de pointures : Michel Jonasz, Al Jarreau, Michel Legrand, Richard Bona, Steve Gadd, Elvin Jones, Wynton Marsalis, Stéphane Belmondo, Manu Katché, Michel Portal, Jacky Terrasson, Alain Caron, Didier Lockwood, John McLaughlin, Lokua Kanza, Richard Galliano, Dee Dee Bridgewater, Billy Cobham, Larry Coryell, Al Di Meola, Marcus Miller...

Votre dernier passage à Montréal remonte à l'été 2010, n'est-ce pas?

Oui, je m'y suis produit avec Manu Katché et Richard Bona, dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal. C'était totalement improvisé, mais avec de très bons musiciens.

De retour avec André Ceccarelli et Thierry Eliez, un trio formé pour votre album Organic, paru l'automne dernier chez Dreyfus. Premier voyage en trio au Québec?

Oui et ce n'est pas une mince affaire pour André Ceccarelli qui me fait l'honneur de venir au Québec même s'il ne supporte pas l'avion. Ce sera d'ailleurs un de nos premiers concerts depuis la sortie de l'album. On est très excité, d'autant plus que j'adore jouer au Gesù. Je ressens quelque chose de très particulier dans cette salle parfaite.

Les doses de virtuosité sont bien placées dans votre nouvel album. Avez-vous refusé sciemment d'exhiber votre technique?

Ça fait plaisir qu'on le remarque ! De la voltige, y en a toujours, mais je préfère aller vers le domaine de l'épure. Ce qui me touche le plus en musique est ce qui va vers l'émotion plutôt que la démonstration. Les enregistrements, il faut dire, se prêtent mieux à l'émotion alors que la scène peut favoriser la démonstration. L'énergie qu'on met sur scène n'est pas celle d'un album. Quoique... même sur scène, la technique d'un musicien a beau être le premier facteur pour impressionner, mais ce facteur peut devenir un frein. Je m'en méfie vachement. Personnellement j'essaie vraiment de contourner les excès de virtuosité. Ce qui importe d'abord et avant tout, c'est la musique.

Vous venez présenter la matière d'Organic?

Absolument. C'est assez rigolo dans la manière dont ça s'articule, aussi bien dans le disque qu'en live, car Thierry et moi partageons le rôle du bassiste.Thierry prend le rôle de la basse avec très peu sans aller dans la surenchère.  L'idée était d'avoir un piano, un Fender Rhodes, un tout petit synthé pour faire les basses. De mon côté, j'ai un octaver, soit une pédale qui me permet de faire descendre une ligne mélodique d'une octave au-dessous. Ainsi, le trio a toujours une basse (aux sons très différents de la basse ou de la contrebasse) à laquelle s'ajoute le clavier ou la guitare.

Votre trio envisage-t-il jouer aux États-Unis?

J'y suis allé pas mal de fois.  Je n'y joue pas énormément. C'est toujours plus difficile de bouger de l'Europe aux États Unis que l'inverse. Les États-Unis sont complètement protectionnistes, ils n'acceptent pas trop qu'un Basque fasse du jazz (rires). Le marché du jazz,il faut dire néanmoins, demeure davantage du côté européen.Si je joue aux États-Unis? Pas beaucoup. On aurait d'ailleurs aimé faire quelques dates dans ce même voyage et finalement ça a été annulé.

Le trio a-t-il beaucoup joué avant de s'amener à Montréal?

Non. Nous venons tout juste de faire notre premier concert près de Paris. Ça a été super parce que sur scène, c'est tout autre chose. On avait fait quelques titres lors de soirées préalables, mais nous avons présenté cette fois la matière intégrale sur scène, ce qui devient assez différent de l'album avec la liberté qu'offre l'interprétation en live, sans compter l'ajout de nouveaux titres. C'est très souple. Et c'est tout à fait neuf.

Dans le cadre du festival Montréal en lumière, Sylvain Luc, André Ceccarelli et Thierry Eliez se produisent ce jeudi, 20 h, au Gesù.