« Je me suis encore senti comme une bibitte », dit Jo Cormier au sujet de son récent passage à Tout le monde en parle, où il était reçu afin de parler de son premier spectacle, Animal. « Je suis très reconnaissant qu’on m’ait invité, c’était vraiment agréable. Mais quand tu demandes si je suis tanné de ça, je te réponds oui, même si je sais que ça fait partie de la game. »

S’il souhaitait ne pas passer pour une bibitte, Jo Cormier aurait pu faire des choix différents, fait-on gentiment remarquer à celui dont l’excentrique personnage de scène arbore le look d’une sorte de croisement entre Nabuchodonosor et un yogi.

« Ce que j’aime, c’est tout simplement de mettre un peu de couleurs dans le quotidien des gens, répond l’humoriste de 33 ans. Mais c’est tellement facile de déranger ou de déroger. C’est pour ça que ça me fait du bien, chaque fois que j’ai des discussions avec des Daniel Grenier ou des Yannick De Martino : avec eux, je ne me sens pas bibitte. »

Quelques minutes d’entrevue avec Jo Cormier permettent rapidement de le constater : le spécimen rare est moins un coucou ou un provocateur qu’un grand sensible, d’une intraitable douceur, qui tient à ce que chacune de ses conversations s’enracine dans la vérité. Et qui envisage la scène comme un espace de création pure. Dans un monde où les humoristes ressemblent parfois à des entrepreneurs, Jo Cormier est indéniablement un artiste.

Jean Leloup, c’était le personnage médiatique que j’aimais le plus quand j’étais ado, parce qu’il s’en foutait. On le traitait de bibitte, mais je le trouvais plus lucide et clairvoyant que ben des gens qu’on voyait à la télé.

Jo Cormier

Comme Leloup, Jo Cormier, malgré son imaginaire éclaté, jouit depuis peu d’une authentique reconnaissance populaire, lui qui participe à l’émission Le maître du jeu à Noovo et amorce une première tournée d’envergure, produite par le Groupe Entourage (Mariana Mazza, Messmer, P-AMéthot).

« Il y a ce paradoxe-là chez moi, oui : je ne veux pas me mettre à réduire ce que je fais pour plaire, mais en même temps, je suis très reconnaissant du public, confie-t-il. Je ne veux pas faire de compromis, mais lorsque je passe dans une ville, je veux que tout le monde sorte de là en ayant beaucoup ri, ne serait-ce que parce que ça coûte cher, l’humour, pour ce que c’est. Mais mon but premier, ce n’est pas de vendre des billets, c’est de faire de l’art. »

Être de lumière

Le rire occupe une place essentielle dans le quotidien de Jo Cormier, depuis l’enfance. Ce fils unique, né à Gentilly, raconte avoir rapidement compris la valeur de l’existence grâce à son père et à sa mère, qui ont tous les deux perdu des parents tôt.

Il y avait chez nous un tout petit fond de tristesse, une conscience que la vie vaut cher, qu’il faut être reconnaissant d’être ensemble, que ça fait du bien de rire. C’est comme ça que je suis devenu cet être de lumière pour mes parents.

Jo Cormier

Il aura cependant dû s’inventer un parcours sans l’École nationale de l’humour, où il a été refusé trois fois. Après des études en art et technologie des médias, il devient producteur sonore à la radio commerciale, un plan B « qui [lui] a permis d’avoir un bon salaire, mais qui ne [lui] permettait pas de [s] » épanouir ».

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Jo Cormier

Sa mère lui offre alors une remarque simple, mais précieuse. « Elle m’a dit : “ Jo, tu n’as pas besoin de l’École de l’humour pour être drôle. Pourquoi t’attends, va l’essayer ! ” Elle était allée voir sur le site de Mike Ward, qui disait qu’il y avait de plus en plus de places pour jouer à Montréal. »

Et c’est ainsi, grâce à l’école des micros ouverts et à la puissante tribune du web, que Jo Cormier s’est taillé sa place au soleil, au même moment où l’écosystème comique québécois s’arrachait à son homogénéité. « Il commence vraiment à y avoir une diversité dans le milieu, sur tous les plans, et ça a aussi beaucoup à voir avec les podcasts, qui ont créé un public de connaisseurs », observe celui qui se consacre entièrement à l’humour depuis huit ans.

Son premier spectacle s’intitule Animal non pas parce qu’il veut célébrer ce que l’humain a de bestial, mais parce qu’il souhaite rappeler à ses semblables que la vulnérabilité de l’animal est aussi celle de cette créature arrogante qu’est l’humain.

Mardi soir, lors de sa première, plusieurs sièges devraient être occupés par des bénévoles de L’Itinéraire. Jo Cormier a animé en mars dernier la balado Histoires à coucher dehors, dans laquelle il s’entretenait avec des gens qui ont vécu dans la rue. « Ces gens-là m’aident à garder les deux pieds sur terre et à me rappeler que ceux qui assistent à des premières, ce sont juste des animaux plus connus que les autres. »

Animal de Jo Cormier, le 8 novembre à l’Olympia et en tournée partout au Québec

Consultez le site web de Jo Cormier