« La vie, c’est dangereux : tu peux mourir » : telle est la phrase encapsulant le mieux L’involution, premier spectacle de Maude Landry, qui s’annonce comme un temps fort de l’hiver comique. Conversation sur les serpents et la santé mentale.

Aimeriez-vous connaître quelques faits fascinants sur les serpents ? Tant mieux. « Savais-tu que l’anaconda, ce n’est pas le plus long ? », demande Maude Landry à l’auteur de ces lignes qui, non, ne le savait pas. « Le plus long, c’est le python réticulé. Le plus long spécimen répertorié faisait dix mètres ! » Tentons d’expliquer comment cet entretien a pris cet improbable détour !

« J’essaie de faire de l’humour intelligent », lance Maude Landry dans L’involution juste après avoir prononcé la blague la moins intelligente de la soirée. Efficace autodérision. Mais qu’à cela ne tienne : en empruntant à diverses formes d’humour – humour absurde, anti-humour, stand-up observationnel plus traditionnel, chansons – ce premier spectacle, que La Presse a vu en rodage, n’est jamais autre chose qu’une fête de l’esprit. Au même sens où l’œuvre de François Pérusse, un des modèles de l’artiste de 31 ans, s’adresse toujours à la part lumineuse de nos imaginaires, jusque dans ses jeux de mots les plus nonos.

Je n’aurais jamais la prétention de dire que je fais de l’humour intelligent, parce que je me sens niaiseuse la plupart du temps, mais j’aime apprendre des choses, j’aime cultiver mon intelligence. Je suis une grosse nerd qui s’intéresse à des affaires dont tout le monde se fout.

Maude Landry

Combien d’essais sur la science du sommeil a-t-elle lus durant la pandémie ? Six ! « Ça revient à dire que lorsque je m’intéresse à quelque chose, j’y vais à fond. »

Y aller à fond : c’est aussi avec cette attitude jusqu’au-boutiste que Maude Landry s’est lancée sur le circuit des micros ouverts en 2012, alors qu’elle étudiait toujours à l’université en traduction, « juste pour rassurer [ses] parents ». Avec son personnage timoré de jeune amatrice de col roulé qui débite des remarques insolites, elle aura tôt fait d’incarner un genre comique que peu de femmes avaient jusqu’ici embrassé au Québec – pensez à Pierre Légaré, mais qui aurait passé son enfance à écouter Le studio de Bruno Blanchet.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Maude Landry au gala des Olivier en 2018. Son numéro « Les choses pas logiques », présenté à La soirée est (encore) jeune, lui a valu une statuette.

Son numéro « Les choses pas logiques » – à cause duquel il est désormais impossible de passer devant une succursale de Manteaux Manteaux ou de Pizza Pizza sans penser à elle – présenté à La soirée est (encore) jeune lui a valu un Olivier en 2018. Et lui a permis d’accéder à un auditoire à même de capter sa singulière fréquence. « La soirée m’a amené le public un peu plus intello dont j’avais besoin, estime-t-elle, plus que n’importe quel gala auquel j’ai participé. »

Transformer l’anxiété

« La ligne est mince entre avoir l’air juste assez bizarre et ne pas être claire », confie Maude Landry au sujet de l’équilibre difficile à atteindre pour qui, comme elle, pratique un humour qui se plaît à déjouer les attentes. Un travail de funambule auquel elle s’attelle avec cette première tournée, en prenant bien soin de permettre au public de mieux apprendre à la connaître, et non seulement en le déconcertant.

Plusieurs de mes idées de numéros sont à la base des inquiétudes. C’est ça mon mécanisme de défense : je transforme l’anxiété et la déprime en jokes.

Maude Landry

Pas étonnant que son spectacle ait pour fil rouge le sujet de la santé mentale et que son écriture se nourrisse de tout ce que son cerveau lui murmure de paniquant. Le premier numéro qu’elle a présenté de toute sa vie, en 2012, portait après tout sur les risques de périr en recevant une noix de coco sur la caboche.

Et si Maude nous énumérait ses angoisses ? « J’ai tellement de pensées intrusives que ça me fait rire. La planète se meurt et je me sens très impuissante. Ou, des fois, l’idée me traverse que je me fais heurter par une voiture et que ma jambe se tord. Dans ma tête, je vois l’os sortir, je vois tous les détails, comme dans un film. Pourquoi je suis habitée par ça ? Pourquoi je ne peux pas vivre ma vie comme les autres ? »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Maude Landry

La bonne nouvelle est que Maude Landry n’est probablement pas la seule dont l’esprit part parfois en roue libre. Autre bonne nouvelle : l’anxiété n’est pas une peine à vie. « Take a look at my girlfriend », chante Roger Hodgson dans Breakfast in America, la chanson au son de laquelle Maude Landry monte sur scène, parce qu’elle est fan de Supertramp.

« Mais c’est aussi pour me rappeler que je dois être ma propre blonde, ma propre amie. J’ai longtemps été ma pire critique : Pourquoi t’as raté ça ?, pourquoi t’es pas bonne ? Mais aujourd’hui, au-dessus de la critique, j’ai une cheerleader qui me dit que ça va bien aller et que si je suis fâchée ou triste, c’est peut-être juste parce que je ne suis pas sortie voir le soleil de la journée. »

L’involution de Maude Landry, en tournée partout au Québec

Consultez le site de Maude Landry

Un hiver pas comme les autres

Outre Maude Landry, avec qui pourra-t-on s’esclaffer cet hiver ? Avec Ève Côté, qui présente son premier cru en solo (31 janvier à l’Olympia). Avec le toujours fiable Simon Gouache (21 février à l’Olympia). Avec le garçon pas comme les autres, Jean-Sébastien Girard (15 mars à l’Olympia). Avec Fabien Cloutier, qui promet d’être Délicat (le 21 mars au Club Soda). Daniel Lemire célébrera quant à lui ses 40 ans de carrière le 26 avril à l’Espace Saint-Denis, alors que Jérémy Demay ne célébrera fort probablement pas sa victoire à Big Brother Célébrités lors de la première de Naturel (27 mai à l’Olympia).