« Je n’avais comme pas pensé au fait qu’il faudrait que j’explique ça à Salut Bonjour », lance une Rosalie Vaillancourt mi-hilare, mi-affligée par ses propres choix, en parlant de sa nouvelle tournée baptisée MILF. Conversation avec la jeune maman au sujet de ce deuxième spectacle proverbialement plus mature, mais pas tant que ça non plus.

MILF. L’acronyme anglais, plutôt grivois, désigne une mère suscitant toujours le désir et, surtout, qui sait le prendre en main. Embrassées par le vorace univers de la pornographie, les quatre lettres ont essaimé partout sur la planète en 1998 grâce à la comédie hormonale American Pie et à la lubrique maman de Stifler, incarnée par Jennifer Coolidge.

« Quand j’ai eu l’idée du titre, j’en ai tout de suite parlé à ma gérante et on a ri pendant 20 minutes. À chaque fois que je le dis, les gens rient. Ça doit être positif », raconte l’humoriste qui, en novembre 2019, lançait son premier spectacle intitulé Enfant roi, de quoi mesurer comment la vie va vite.

Mais la décision d’ainsi s’approprier le mot MILF ne s’inscrit pas que dans l’éternel amour de Rosalie. Elle témoigne aussi d’une volonté de subvertir un archétype qui stigmatise la femme d’un certain âge refusant de ne consacrer sa vie qu’à couver ses petits.

Ce que j’aime le plus chez la MILF, c’est qu’elle a du fun, elle est too much, elle met du rose et de grosses boucles d’oreilles. Elle n’a pas peur de se faire plaisir, mais moi, mon plaisir est un peu différent du sien : je le trouve en faisant mon show.

Rosalie Vaillancourt

Donner les clés

Rosalie Vaillancourt négocie ainsi le tournant de la deuxième tournée d’une manière qui n’est pas sans rappeler celle de François Bellefeuille, qui avait judicieusement œuvré à montrer l’homme derrière la bibitte qui crie lors de son deuxième tour de piste – ils comptent d’ailleurs sur la même gérante, Marilou Hainault.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Rosalie Vaillancourt et son chien, Chantal, un mâle

Tout en continuant de tirer profit du fécond fossé comique entre son air poupin et ses propos polissons, l’humoriste se dépouille cette fois-ci de ce qui pouvait davantage relever du personnage de bande dessinée. Qu’elle parle de culpabilité parentale ou de la jalousie de sa sœur, elle se mesure indéniablement à des sujets plus costauds, à commencer par la maternité.

« J’ai tellement été catégorisée comme femme-enfant, c’est tellement un gros changement dans ce que je suis et ce que je représente, que je n’avais pas le choix d’en parler », dit celle qui donnait naissance à une fille en décembre 2021 et dont la première médiatique aura lieu en avril 2024.

Rosalie ne fait pas qu’en parler et présente au public, dans la première partie du spectacle, la reproduction format géant d’une photo très intime, le temps d’illustrer les imposantes difficultés de l’allaitement, mais aussi de sceller une sorte de pacte de vérité.

J’aspire à être sur scène comme je suis dans la vie, c’est pour ça aussi que je ne porte plus de petites robes, mais mes jeans de tous les jours. J’aimerais que les gens me connaissent pour vrai et j’ai l’impression de ne pas toujours avoir donné toutes les clés.

Rosalie Vaillancourt

Elle ajoute, à moitié sérieuse : « Ma gérante me disait l’autre fois que je suis beaucoup plus attachante dans la vie qu’à la télé. » Et se fait automatiquement rire elle-même.

PHOTO EVE B. LAVOIE, FOURNIE PAR L’ARTISTE

Rosalie Vaillancourt, sur scène

Quant à son TDAH sévère, un autre des sujets majeurs de MILF, elle a longtemps cru que personne ne voudrait « l’entendre parler de ses problèmes » et qu’il n’y avait rien de drôle là-dedans. Sa metteuse en scène, Marie-Christine Lachance, lui a tôt fait comprendre qu’une femme de 30 ans qui ne peut s’empêcher d’aboyer dès qu’elle entend un chien aboyer, oui, c’est drôle.

MILF marque également un nouveau chapitre dans la carrière télé de la créatrice, qui souhaite prendre ses distances des projets pour la jeunesse auxquels elle a beaucoup été associée. Non pas parce qu’elle n’y a pas trouvé de joie, mais pour s’aménager la marge de manœuvre nécessaire afin de dire ce qu’elle veut, comme elle le veut, entre les quatre murs d’une salle, sans craindre de dévoyer de délicates oreilles.

« C’est aussi pour ça qu’on a appelé le show comme ça, pour que ce soit clair que ce n’est pas pour les enfants », souligne celle qui sera de la prochaine édition de Sortez-moi d’ici ! cet hiver à TVA ainsi que de celle de LOL : Qui rira le dernier ? sur Prime Video, début 2024. « Avant, je me disais que les enfants en avaient déjà entendu ailleurs, des “tabarnac”, et ç’a changé depuis que je suis mère. »

Pas de clown triste

Malgré toute cette belle sagesse, Rosalie Vaillancourt demeure en bonne partie sur scène, et un peu dans la vie, celle qui se plaît à prononcer de gros mots, à faire semblant de ne penser qu’à son nombril et à dire tout haut ce qu’il faudrait juste ne pas dire du tout.

Exemple parmi tant d’autres, tiré de notre conversation : « Quand j’ai recommencé à faire des spectacles, je me sentais mal de laisser mon chum tout seul avec notre fille, mais maintenant, c’est pour ma fille que je me sens mal. Je suis TELLEMENT plus le fun que mon chum. » Elle se fait à nouveau rire elle-même. Puis s’explique.

C’est que moi, je n’en ai pas, de clown triste, je suis tout le temps de bonne humeur, je veux toujours faire des jokes. C’est sûr qu’il y a des sujets plus matures dans le spectacle, mais ce sont des questions que je me suis posées… brièvement.

Rosalie Vaillancourt

Comment la maternité l’a-t-elle transformée ? Elle n’aura jamais été aussi sérieuse de toute l’entrevue. « Ça m’a amené un détachement face à plein de choses et je pense que c’est ce qui me manquait pour être bien dans mon milieu. On dirait qu’il n’y a plus rien de compliqué. Tant que ma fille va bien, je vais bien. Avant, je ne pensais jamais à l’avenir, et maintenant, j’ai hâte d’être une madame. »

MILF

MILF

Rosalie Vaillancourt

En rodage partout au Québec

Consultez ses dates de spectacle