Un peu plus d’un an après la dissolution de son groupe les Pic-Bois, qui laissait dans le deuil de fidèles et fervents admirateurs, Maxime Gervais présente Big Max, son premier spectacle solo. Rencontre avec un humoriste qui ne connaît pas l’emplacement de la pédale de frein.

C’était durant la pandémie, lors d’une soirée d’humour plus ou moins formelle, organisée en plein air, au parc Jarry. Maxime Gervais y présentait un numéro en Claude Crest, son impayable personnage de nonagénaire en goguette, un confrère de Claude Blanchard, Rose Ouellet et Paolo Noël, ayant miraculeusement survécu à des litres de crème de menthe et à d’innombrables longues nuits dans les volutes de cigarette des cabarets.

Plutôt que de tout simplement présenter son numéro en Crest, puis redevenir Maxime ensuite, l’humoriste n’avait jamais délaissé, de toute la soirée, les inflexions vocales de vieux tannant et la démarche chambranlante de son rescapé d’une époque où la joke de belle-mère faisait florès. En l’absence de loge, pas question de se changer sous les regards de tout un chacun – autrement dit, de rompre la magie.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le légendaire Claude Crest

« Je me rappelle d’avoir traversé le parc avec ma canne. Il y avait une petite butte et j’avais demandé de l’aide à des jeunes pour la descendre », raconte celui qui n’a pas du tout besoin d’une canne pour se déplacer.

C’est parce que mon grand plaisir avec Claude [Crest], c’est de faire vivre la blague. Rien de tout ça n’est drôle si je ne vais pas jusqu’au bout.

Maxime Gervais

« Pour moi, ajoute-t-il dans son t-shirt des Viagra Boys, un groupe punk suédois, c’est ça ma fonction dans le milieu de l’humour. Je n’ai pas tellement de grandes idées à défendre, à part celle de tout faire jusqu’au bout. »

Mais que ferait Mononc’ ?

Durant la création de Big Max, son premier spectacle solo composé d’un alliage de numéros de stand-up et de personnages, Maxime Gervais s’est souvent posé la question : que ferait Mononc’ Serge ?, dont il admire la belle intransigeance.

« Ultimement, mon show ne dit rien, précise Maxime, de peur d’avoir l’air de se faire des accroires, mais je pense que s’il y a une prise de position, elle se situe dans la démarche, dans une sorte d’éthique. Serge a une manière de faire les choses sans compromis, sans chercher à plaire. »

Et son éthique à lui ? L’humoriste éclate de rire en mesurant soudainement la marge entre ce que ce mot a de sérieux et son humour, pas sérieux du tout.

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Maxime Gervais

Je dirais que mon éthique, c’est de ne jamais peser sur le break. Là où plusieurs autres arrêteraient un gag, moi, je ne fais que commencer. Je ne recule jamais devant une accumulation. Et ça se peut que j’aille loin.

Maxime Gervais

Tout faire jusqu’au bout, pousser toutes les idées jusqu’à leur extrême incongruité, quitte à effleurer le non-sens, à prendre le clos ou à perdre en chemin quelques esprits trop cartésiens : tel est devenu son modus operandi durant l’aventure de Pic-Bois, le duo culte qu’il formait jusqu’en octobre 2022 avec son ami d’enfance, Dom Massi.

En 2017, le duo remportait le prix du public du Zoofest grâce à La ligue d’impro des Pic-Bois, vaste délire à la fois burlesque, absurde et hyperréférentiel, avec lequel ils inauguraient leur promesse de créer un nouveau spectacle chaque mois, un rythme qu’ils auront tenu pendant deux ans et qui leur aura permis de fédérer un groupe de fervents et fidèles admirateurs.

Durant le rodage des numéros de Big Max, dans les bars, Maxime Gervais a parfois senti qu’entre deux collègues à l’approche plus classique, son style capable d’onirisme comme de grivoiserie n’avait pas le même impact qu’auprès de ses habitués. « Je me souviens d’avoir dit à ma blonde : ‟J’ai hâte de retrouver mon monde”, et elle m’avait répondu : ‟C’est qui, ton monde ?” »

Réponse : « Ce sont les espèces de weirdos de chaque ville et village, ceux qui tripaient sur les Monty Python au secondaire pendant que personne d’autre ne savait c’est qui. Ce sont les bibittes de partout, qui ne jurent que par les Chick’n Swell et les Denis [Drolet]. C’est un rassemblement de gens hors norme. »

Parce que tout est terrifiant

Son âge. Maxime Gervais évoquera souvent son âge au cours de notre jasette, même s’il n’a que 38 ans. C’est que le fossé qui sépare ses élucubrations scéniques dignes d’un ado et son véritable âge vénérable ne contribue, selon lui, qu’à intensifier les rires.

Plus je vieillis, plus c’est drôle. C’est comme dans South Park : Randy qui fait une crotte longue de six pieds, c’est drôle, mais ce qui est encore plus drôle, c’est de s’imaginer Trey Parker et Matt Stone [les créateurs de la série, aujourd’hui dans la cinquantaine] en train d’écrire ça.

Maxime Gervais

Maxime Gervais a un amour qui ne veut pas mourir pour l’humour niaiseux, « parce que le niaiseux, c’est ce qui nous garde enfant. Le niaiseux, c’est la partie gamine qu’on a tous au fond de nous ».

Mais le niaiseux, ce n’est pas du niaisage. Le niaiseux peut même devenir un précieux refuge, quand toutes les raisons de perdre la tête nous assaillent.

« Claude Crest dit dans le spectacle que le monde lui fait peur, mais là, c’est vraiment moi qui parle à travers lui, confie Gervais. Le monde me terrifie : je suis écoanxieux, il y a des guerres, on est sur une planète dans un cosmos dans lequel les galaxies s’éloignent les unes des autres. Tout est terrifiant ! Je ne veux pas vivre dans le déni, mais un des moments où je ne pense à rien de tout ça, c’est quand je ris. »

Le 2 février au Club Soda et en tournée partout au Québec

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