« Vouloir être aimé, on n’est jamais guéri de ça, pense Louis Morissette. Espérer être respecté par ses pairs, c’est un sentiment normal. Mais disons qu’avant, je l’avais à 9 sur 10, et là, je suis plus à 4 ou 5 sur 10. »

À Longueuil en avril dernier, à la salle Fenplast, Louis Morissette semble un peu nerveux alors qu’approche 20 h, mais pas au point de chasser de sa petite loge les nombreux convives qui s’y entassent, dont sa femme et leur fils Justin (qui assurera sa première partie durant toute sa tournée), sa metteuse en scène Pascale Renaud-Hébert et son script-éditeur François Avard. Afin de détendre l’atmosphère, Véronique raconte la fois où, durant une représentation des Morissette à Québec, une spectatrice s’est levée pour invectiver Louis.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Véronique Cloutier, François Avard et Louis Morissette

Personne, heureusement, ne l’engueulera durant cette deuxième date de rodage de son spectacle en solo. Mais ? « Ben ça n’a pas été facile à soir, mon Louis », lui lance Avard avec son habituelle nonchalance, une fois de retour dans la loge. Loin d’être une catastrophe, sa performance aura néanmoins été ponctuée de quelques flottements, le jeune quinqua n’étant, après tout, monté seul sur scène qu’à de rares occasions au cours des 20 dernières années.

« La salle était un peu froide, ça m’enlevait mon rythme, mais j’étais conscient ce soir-là d’où j’en étais dans le processus, que ce n’était pas un produit fini. Plus personne ne fait ça, casser une heure et vingt de stock d’un coup », explique-t-il en entrevue quelques mois plus tard, en évoquant ses collègues, qui étrennent en général leurs spectacles numéro par numéro, dans des cabarets comiques. « Mais même si ça n’avait pas ri du tout, oui, mon ego aurait été meurtri, mais ce n’est rien qui peut se comparer au stress d’un Bye bye. »

Pourquoi le producteur à succès, l’acteur sollicité, le scénariste aux multiples idées s’inflige-t-il cette épreuve ? « Je pense que c’est parce qu’il a besoin de faire des affaires pour le fun », répond Véronique Cloutier, qui confie avoir craint que son chum tente de trop en jeter, dès les premières étapes de création. « Il demeure une personne foncièrement orgueilleuse et je me demandais s’il n’allait pas être trop pressé de montrer qu’il est capable d’être bon. »

« Il n’y a pas une réussite ou une somme d’argent qui va m’éloigner de la base de ce métier, qui est de se mettre en danger », explique pour sa part celui qui souhaitait renouer avec le créateur en lui. C’est que Louis Morissette demeure un personnage tiraillé par de nombreux paradoxes, à la fois artiste et homme d’affaires, bouillant et ouvert d’esprit, arrogant et anxieux, quoique dans ce cas, l’un ait peut-être parfois été la manifestation de l’autre. Chose certaine : être confiné à une case l’irrite profondément.

Je pense que je suis un bon producteur, mais ça me gosse quand on fait juste référence à moi pour ça. Je ne suis pas que ça.

Louis Morissette

Le cheminement du « petit narfé »

À la Maison de la culture de Lachine, le 14 septembre, Louis Morissette, après un été complet de rodage, semble nettement plus décontracté et oscille avec beaucoup de naturel entre introspection, réflexion, anecdotes et blagues sur sa femme, à propos de qui il multiplie les phrases gentiment odieuses. Des blagues que le public accueille avec un mélange de jubilation et de culpabilité, alors que la principale intéressée réagit toujours avec une explosive hilarité.

Relax, Louis Morissette ? N’exagérons rien, bien qu’il ne ménage pas les efforts afin de soigner sa relation délétère au travail et ses nombreux ennuis de santé. Son ami et partenaire de golf Louis-Jean Cormier l’a d’ailleurs initié aux apaisants bénéfices de la méditation.

« Depuis 20 ans, j’ai été totalement obsédé par ma job. Là, j’amorce la cinquantaine et je veux vivre le reste différemment », dit Morissette avant d’ajouter en riant : « J’aimerais arriver à jouer en bas de 85 au golf [un très bon score]. Et je sais qu’un des secrets, c’est d’être plus calme. Mais j’ai toujours été un petit narfé, qui se choque. Louis-Jean me le répète : ça ne te donne rien d’être choqué à cause de ton dernier coup, regarde le prochain à la place. »

Véro contribue elle aussi à apaiser son homme et à lui rappeler l’objectif original de cette tournée, qui devrait être plutôt courte (une centaine de dates) et s’arrêter, dans la mesure du possible, dans des enceintes relativement intimes.

« Il faut parfois que je le ramène, quand je l’entends au téléphone avoir des idées de grandeur avec celui qui planifie sa tournée », raconte-t-elle avec, dans la voix, toute la bienveillance du monde. « Dans ce temps-là, je lui dis : commençons petit. Le but, ce n’est pas de pouvoir te vanter d’avoir rempli 12 fois telle grosse salle. Plutôt que de penser prospérité, réussite et orgueil, pensons plaisir. C’est le meilleur moyen d’éviter l’anxiété. »