Les acteurs du milieu de la littérature pour enfants seront réunis à Bologne dès lundi pour la Foire internationale du livre jeunesse. Le plus important évènement du genre couronnera les meilleurs éditeurs de partout dans le monde. Monsieur Ed, maison d’édition québécoise indépendante, fait partie des finalistes. La Presse a rencontré sa propriétaire, Valérie Picard, avant qu’elle ne s’envole pour l’Italie.

Sur son site web, la maison d’édition convie les visiteurs à prendre le thé avec Ed. La Presse a pris cette invitation au pied de la lettre. C’est donc autour d’une tasse fumante que l’on rencontre l’éditrice Valérie Picard et l’illustratrice Audrey Malo.

Trois jours avant d’apprendre que Monsieur Ed était en lice pour le prix du meilleur éditeur de livres jeunesse en Amérique du Nord, Valérie Picard disait à un ami : « Ça ne me fait rien quand je gagne un prix. » En voyant sa réaction à l’annonce de sa sélection à Bologne, elle admet s’être trompée.

« Quand j’ai eu la nouvelle, j’ai pleuré. J’ai trouvé ça tellement valorisant. Tout le travail, tous les efforts, tous les sacrifices que j’ai faits depuis des années. Je me dis : “Ah ! Monsieur Ed est maintenant à un niveau où il peut avoir une reconnaissance internationale.” Et c’est encore plus valorisant parce que ce n’est pas moi qui ai soumis la candidature de la maison. »

Il faut dire que depuis qu’elle a cofondé Monsieur Ed avec Alice Liénard en 2015, Valérie Picard n’a pas chômé. Surtout que depuis 2019, elle est seule aux commandes.

« Tu travailles beaucoup. Tout le temps », glisse l’illustratrice Audrey Malo, qui publiera cette année son deuxième titre chez Monsieur Ed.

L’éditrice lui donne raison.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Valérie Picard, à la tête de la maison d’édition Monsieur Ed

Je travaille sept jours par semaine. […] Mais c’est stimulant et c’est vraiment valorisant.

Valérie Picard

Et puis, elle peut compter sur une adjointe, des collaborateurs et des amis qui lui donnent un coup de main ici et là, tient-elle à préciser.

Au cours des dernières années, les maisons d’édition québécoises La Pastèque, D’eux, Comme des géants et Les 400 coups ont également été honorées à Bologne.

Que pourrait représenter ce prix pour Monsieur Ed ? Une porte d’entrée vers les marchés étrangers, croit Valérie Picard. « Déjà, à la suite de l’annonce de la nomination, il y a beaucoup de maisons ou d’agents à l’international qui ont communiqué avec moi », confie-t-elle, entre deux gorgées de thé.

Les livres de Monsieur Ed

Jusqu’à maintenant, Monsieur Ed a publié près d’une vingtaine de livres jeunesse, dont la série Méchant Far West, de Marthe Pelletier et de Richard Écrapou, Coco où es-tu ?, d’Aurélien Galvan, ou encore Je vous attendrai au bord de la mer, de Taltal Levi, paru tout récemment.

D’ici quelques semaines, Boumbidoum, album interactif signé par Valérie Picard avec en vedette un drôle d’extraterrestre, atterrira en librairie.

Comment l’éditrice fait-elle pour sélectionner les histoires qui seront publiées ? « C’est beaucoup au feeling, avoue-t-elle. C’est difficile à expliquer. […] J’aime faire des livres qui, pour moi, vont avoir un double sens. […] J’aime quand, même si au premier niveau c’est très simple et farfelu, tu peux aller chercher une signification profonde. J’aime que même en s’amusant on puisse se découvrir, se questionner sur soi-même et se questionner sur le monde. Je pense que mon choix de livre va dans ce sens-là. »

Mettant en scène un duo d’amis qui imagine des utilisations loufoques à des objets banals du quotidien, Tête de têtard, écrit par Catherine Chiasson et illustré par Audrey Malo, s’inscrit dans cette ligne de pensée.

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Audrey Malo, illustratrice

L’autrice n’ayant pas pu être présente à l’entrevue, La Presse l’a jointe au téléphone. « J’aime les albums drôles, un peu sans morale, dans lesquels on peut s’amuser, rire et faire dire un peu n’importe quoi aux personnages », raconte Catherine Chiasson. Toutefois, en creusant un peu, on remarque que le livre paru l’automne dernier invite les jeunes à développer leur créativité et amène à réfléchir à l’amitié.

Lorsqu’on demande à Catherine Chiasson ce qu’elle admire chez son éditrice – et amie –, elle parle de son côté avant-gardiste et de son sens de l’esthétique. Elle dit aussi d’elle qu’elle est extrêmement travaillante, extrêmement minutieuse. « Elle va chercher toute la créativité des gens avec qui elle travaille. Elle a ce don-là de faire ressortir tout ce qu’on a à l’intérieur de nous », ajoute celle qui est aussi copropriétaire de la librairie Le Renard perché.

L’illustratrice Audrey Malo abonde dans le même sens. Les commentaires de Valérie Picard lui ont permis d’amener ses personnages plus loin. « J’aime m’ouvrir à toutes les avenues que mes illustrations pourraient prendre », affirme-t-elle.

En terminant, on veut savoir : qui est Monsieur Ed ? « Ça, c’est la question qui tue, parce que je n’ai pas de réponse super le fun », s’excuse Valérie Picard, en promettant d’en inventer une, un jour. « À force de brainstormer, on a combiné deux idées. » La maison d’édition aurait pu s’appeler Monsieur Antoine ou Éditeur Éditeur. La fusion des deux a donné Monsieur Ed.