En 2010, Alejandro López disparaît en Colombie, son pays natal où il est retourné s’établir après 25 ans passés au Canada. Une desaparición forzada (« disparition forcée »), comme l’appellent les Colombiens. Ce qui revient à dire qu’il est probablement mort, et de façon violente. Habitée par ce deuil qu’elle n’arrive pas à faire, sa fille Ana cherche à comprendre ce qui a entraîné la mort de son père dans une quête indissociable de celle de ses origines.

Premier roman de la journaliste et autrice montréalaise Mali Navia, La banalité d’un tir est une autofiction inspirée d’une histoire familiale certes pas banale. Des parents bohèmes, des origines métissées (une mère canadienne et un père colombien), la solitude d’un enfant qui a grandi entre deux mondes et les douleurs de l’exil tissent la trame de ce récit puissant. « Je suis restée prise entre le Nord et le Sud dans une sorte de néant qui fait que tout le monde me regarde avec un point d’interrogation dans le front. J’ai un nom d’ailleurs, des yeux d’ailleurs, une peau d’ici, un accent d’ici. Mon étrangeté s’explique seulement quand je marche main dans la main avec mon papa. On se dit tout de suite “il n’est pas d’ici” sans jamais lui demander d’où il vient. »

Si, petite, elle a souvent éprouvé de la honte face à ce père différent, elle en porte aujourd’hui la culpabilité et c’est en détricotant le fil de ses origines, de Montréal à Pereira, en Colombie, en passant par Huntingdon qu’Ana López tente de guérir une blessure tapie au cœur de son identité.

Pour ce premier roman, Mali Navia nous offre un récit sensible qui a du souffle, où la force côtoie la vulnérabilité et les difficultés, la poésie du quotidien. Splendide.

La banalité d’un tir

La banalité d’un tir

Leméac

200 pages

8/10