Mariève Lemay a été renversée par un camion, le 1er janvier 2016, en Thaïlande, à 13 161 kilomètres de chez elle, précise l’autrice qui signe Un jour, la vie m’a envoyé un camion. Ce livre, c’est le récit d’une lente reconstruction et d’une transformation. Entrevue.

Près de six ans après son grave accident, Mariève Lemay a encore mal au dos et sa jambe droite reste fragile, mais elle est sereine. « Je fête mes 36 ans, et je me dis que ce camion qui m’a renversé, c’était un cadeau, dit-elle. Ça a été une longue et douloureuse reconstruction, mais je suis plus heureuse aujourd’hui. »

Le premier jour de l’année 2016, à 5 h du matin, sur l’île de Koh Phangan en Thaïlande, Mariève est renversée par un camion, sans phares, qui ne s’arrête pas. Un délit de fuite. Elle souffre de multiples fractures au bassin, à la hanche, à la clavicule et aux deux jambes. De manière très franche, dans Un jour, la vie m’a envoyé un camion, elle raconte ses longs mois où elle a été clouée au lit, ses douleurs extrêmes et sa rééducation qui a duré des années. Elle est passée par le déni, la colère, la dépression, la consommation de drogues et d’alcool, la solitude.

PHOTO FOURNIE PAR MARIÈVE LEMAY

Mariève Lemay, en fauteuil roulant, quelques semaines après son accident

« J’étais une personne très active, et là, clouée au lit, je me sentais prisonnière, je ne pouvais rien faire sans demander de l’aide. Tout était compliqué, même aller aux toilettes, c’était beaucoup de frustrations », confie-t-elle.

Le plus dur, au-delà des souffrances physiques et psychologiques, ça a été de ne pas avoir de date butoir à ma guérison.

Mariève Lemay

« J’ai eu huit opérations et chaque fois, on me disait que c’était la dernière, qu’il y avait 95 % de chances de succès… puis après, avec les radiographies, on voyait que ça ne marchait pas, il n’y avait pas d’ossification. »

Une fois sortie de l’hôpital, Mariève n’accepte pas sa condition et s’isole. « J’ai été dans le déni pendant quatre ans, à me raccrocher à la fille que j’étais avant l’accident. C’est difficile de faire le deuil d’une partie de soi. Je n’acceptais pas d’être en fauteuil roulant, de ne plus être indépendante, de ne pas pouvoir conduire, de me faire dire que je ne pourrais plus jamais courir. Une des façons de me raccrocher à la Mariève d’avant était de me noyer dans l’alcool et les drogues, ce qui diminuait mes souffrances. »

Elle repensait aussi au passé, ne se pardonnait pas de ne pas être rentrée avec sa meilleure amie le soir de l’accident et d’avoir préféré faire la fête jusqu’au petit matin. « Ça ne sert à rien, car les “si” ne sont pas des machines à remontrer dans le temps. »

Revoir ses valeurs

Après son accident, Mariève a tenté de reprendre son travail trop rapidement, mais elle n’était pas remise et ça s’est mal passé (elle était représentante pharmaceutique). « J’ai dû laisser aller cette partie-là aussi de ma vie, la femme d’affaires ambitieuse. »

Je me suis rendu compte que ma vie d’avant était vide et que je ne mesurais mon bonheur que par la réussite et l’argent. J’ai beaucoup réfléchi à la personne que j’étais et à ce que je voulais dans la vie, sur les valeurs importantes à mes yeux.

Mariève Lemay

« Je suis maintenant coach, j’offre un accompagnement aux gens qui vivent un traumatisme. » Elle précise qu’il y a une sphère psychologique dans la guérison. « J’ai fait beaucoup de méditation et de visualisation. C’est important de croire en sa guérison, d’être optimiste. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Mariève Lemay pose avec son chien, qui l’a aidée à guérir.

La jeune femme a découvert avec son accident qu’elle était bien entourée. « Je ne réalisais pas à quel point ma famille et mes amis m’aimaient. La relation avec mon père s’est renforcée, tout comme avec mes amis. La lecture du livre a été plus difficile pour ma mère. J’ai réalisé que c’était la seule personne avec qui je me laissais aller, avec qui j’étais désagréable. Je lui faisais part de toutes mes angoisses et frustrations, et toutes les émotions que je ne montrais pas aux autres, je les déversais sur ma mère. Je m’en suis excusée. »

Elle a envie de retourner en Thaïlande, de revoir les gens qui l’ont soignée, mais pour le moment, c’est en Californie qu’elle part avec des amis, dans un skoolie, autobus scolaire transformé en maison.

Et pour ceux qui souhaitent partir en voyage, elle leur recommande de ne pas oublier de prendre des assurances. « C’est très utile. Juste le vol médicalisé pour me rapatrier de la Thaïlande à Montréal a coûté 200 000 $, puis il y a eu aussi les frais d’hôpital. Et surtout, vérifiez le montant alloué des assurances, dans mon cas, c’était 1 million de dollars, et ça m’a sauvé la vie. »

Un jour, la vie m’a envoyé un camion

Un jour, la vie m’a envoyé un camion

Éditions au Carré

224 pages