C’est le titre que pourrait porter le dernier roman de Brigitte Haentjens, qui signe ici le récit de la décrépitude d’un homme, une relation, un couple. Une vie ?

Il n’y a rien de sexy dans l’homme raconté ici. Dès les premières pages de Sombre est la nuit, sorte de roman de désenchantement, on se demande bien ce que fait la narratrice avec lui. Lui, sorte d’épave, écrasée au soleil, un mojito à la main, dès 10 h du matin.

Dans ce livre écrit au « tu » (« tu étais imbibé »), la femme qui l’accompagne a l’air brillante, jolie, sans doute meurtrie. Ça sent la relation toxique à plein nez.

C’est précisément cette histoire d’une relation aussi asymétrique que sournoise qu’on nous décline sur 225 pages, à coup de courts chapitres alternant entre présent, passé, et laconiques réflexions (d’un psy, d’une voix intérieure, ou carrément du lecteur ?).

Toute l’originalité du texte repose ici sur son contexte. Nous sommes (au passé du moins) dans une époque révolue, un décor parisien, post-68, à l’Université de Vincennes (une université expérimentale dissoute en 1980, où l’on pouvait croiser tant Deleuze que Foucault, ou Toni Negri). Elle étudie la psychiatrie, lui aussi. Elle admire tout de lui. Lui ? On ne le sait pas trop. Entre le récit de cette époque mythique (avec ses bibliothèques bondées, ses cafés enfumés, et ses discussions enflammées), on devine tranquillement la déchéance du couple (des premiers mensonges aux premiers bleus). À l’arrière-plan, une faune de gauche, de plus en plus caviar. Ou whisky, si ça se dit. Parce que oui, les abus, ça arrive aussi dans les milieux les plus cultivés. Les intellos ne sont pas épargnés. Sombre est la nuit porte finalement très bien son nom : sombre est sa lecture aussi.

Sombre est la nuit

Sombre est la nuit

Boréal

225 pages

7/10