(Paris) Une autrice légèrement en marge, un essayiste auteur de premier roman, et deux trentenaires : la course au prix Goncourt, décerné jeudi, paraît très ouverte cette année entre les quatre finalistes qui ne partaient pas favoris.

C’est au restaurant Drouant à Paris, à l’heure du déjeuner, que l’Académie Goncourt annoncera son choix entre Brigitte Giraud, Giuliano da Empoli, Cloé Korman et Makenzy Orcel.

L’Italo-Suisse Giuliano da Empoli était vu comme favori avec Le mage du Kremlin (Gallimard)… jusqu’à ce qu’il obtienne le Grand Prix du roman de l’Académie française, jeudi.

Peut-il réussir le doublé ? Un autre auteur étranger, l’Américain Jonathan Littell (naturalisé Français ensuite), y était parvenu en 2006 avec sa fresque sur un officier SS, Les bienveillantes. Patrick Rambaud également, en 1997 avec La bataille, sur une bataille napoléonienne.

Et c’est tout, car ces deux Académies, qui ne s’apprécient guère, tiennent à la singularité de leur choix.

En outre, une « jurisprudence Decoin », du nom du président de l’Académie Goncourt Didier Decoin, veut qu’un même livre n’obtienne pas deux prix d’automne différents.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE FLAMMARION

Brigitte Giraud

Juste avant de remettre le Goncourt 2021, M. Decoin avait expliqué à l’AFP : « Il ne faut pas oublier nos amis et alliés que sont les libraires. Si on donne deux prix à un seul livre, ça ne fait qu’un livre dans la vitrine ».

Christine Angot, finaliste avec Le voyage dans l’Est, s’était contentée du prix Médicis obtenu huit jours auparavant.

Incertitude

Giuliano da Empoli ne s’embarrassait pas de cette question au moment de recevoir son prix sous la Coupole de l’Académie française. Publié en avril, et non à la rentrée d’août, il n’avait aucunement l’idée de prétendre à un quelconque prix avec son premier roman.

PHOTO BÉNÉDICTE ROSCOT, FOURNIE PAR LES ÉDITIONS DU SEUIL

Cloé Korman

Entre ses trois rivaux, c’est l’incertitude.

On sait que Brigitte Giraud a beaucoup touché certains jurés avec Vivre vite (Flammarion), en revenant sur l’engrenage d’évènements improbables ayant mené à la mort de son mari dans un accident de moto en 1999.

Cette Lyonnaise parfois incluse dans les sélections des prix d’automne avec d’autres romans ne s’attendait pas à ce que ce livre en particulier aille aussi loin.

On sait aussi que Cloé Korman a convaincu d’autres commensaux de Drouant avec son enquête sur des enfants victimes de la Shoah, Les presque sœurs (Seuil).

Cette normalienne de 39 ans a peu fait de promotion, occupée par son travail auprès du ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye. En septembre, celui-ci se réjouissait que sa « conseillère responsable des discours ait été choisie dans la première sélection ».

Chèque à encadrer

PHOTO JOËL SAGET, AGENCE FRANCE-PRESSE

Makenzy Orcel

Enfin, la surprise pourrait venir de Makenzy Orcel, Haïtien qui a le même âge, pas vraiment une tête d’affiche de la rentrée littéraire.

Monologue venu d’outre-tombe de 600 pages, Une somme humaine serait le premier Goncourt de son éditeur, Rivages (une filiale d’Actes Sud). Et un honneur immense pour ce pays francophone des Caraïbes à la riche tradition littéraire.

Le Goncourt, dont le jury compte sept hommes et trois femmes, est le plus prestigieux des prix littéraires français. Remis juste avant la période des fêtes de Noël, il assure à son lauréat des ventes très confortables, en centaines de milliers d’exemplaires, très loin du tirage de ces quatre livres aujourd’hui.

La récompense s’accompagne d’un chèque de 10 euros (13,50 $), que les bénéficiaires préfèrent encadrer plutôt que déposer à la banque.

Comme le veut la tradition, le prix Renaudot est remis juste après le Goncourt jeudi, dans le même restaurant du quartier de l’Opéra à Paris.

Il compte six finalistes pour le roman : Sandrine Collette, Nathan Devers, Sibylle Grimbert, Claudie Hunzinger, Simon Liberati et Christophe Ono-dit-Biot.