Martine Audet a créé depuis 1996 une œuvre figurant parmi les plus importantes des poètes de sa génération. Ses recueils, ses livres d’artiste et pour la jeunesse ont été traduits en plusieurs langues. Elle nous offre, avec Des formes utiles, un 15e livre de poèmes épurés dans une quête de vérité sans cesse renouvelée.

Martine Audet marche d’un pas vacillant, mais c’est dans cette fragilité qu’elle se révèle et nous rejoint. Nous partageons avec elle un regard avide d’humanité, un tressaillement devant l’immensité ainsi qu’une totale incompréhension de la cruauté et de la place à occuper dans le monde.

Ses dessins au crayon accompagnent le recueil. Ils font penser à une image microscopique captant des chromosomes, peut-être des caractères sumériens ou, encore, des détails d’esquisses. Ces traces floues du passage du temps contrastent avec l’acuité des poèmes.

L’écrivaine nous propose tout un monde de vents et d’enfance, de lames et d’oiseaux, d’ombres et de miroirs qui se déploient dans un recueil ouvert sur le firmament du langage. Martine Audet y découpe des formes dans le rêve, graves ou utiles. Elle se confie aux mots qui font partie d’un lexique lentement constitué au fil de sa pratique.

L’écriture embrasse largement le périple de la poète dans le vivant, mais jamais de façon présomptueuse. Depuis ses débuts, Martine Audet « demande pardon à l’espèce qui brille ». Avec ses « outils de présence », son plus récent livre crée des formes utiles, voire bienveillantes. À l’écoute du moindre bruissement de feuille d’arbre, il demande si « l’effroi est une sorte de bonté ».

« J’entre par les yeux / de ce que je ne comprends pas. / Ce rêve je ne l’ai ni voulu, ni rêvé. / J’y entends deux cœurs / à l’endroit des naissances. / Je suis la bonne bête, / parfois sa carcasse. »

La vie qui bat

La poète a toujours écouté les battements de la vie. Elle s’y recueillait avec grâce dans le recueil précédent, La société des cendres, Prix du Gouverneur général de poésie en 2020. Des formes utiles s’avère d’ailleurs une invitation à revisiter son œuvre exemplaire. Cette route poétique où le mystère de l’existence devient mouvement perpétuel, une danse parfois lucide, parfois étonnée, toujours vibrante.

Parmi tant d’autres, le vers suivant pourrait résumer ce que recèle une véritable aventure poétique : « je n’invente que ce que j’oublie ». Dans l’univers de l’indicible, Martine Audet trouve, encore une fois et malgré tout, un sentier étroit entre inquiétude et émerveillement. Il n’y a clairement rien d’autre à expliquer et tout à ressentir.

À la fin du livre, dans la partie neuf pas pour Mille batailles, elle rend hommage au spectacle du même nom de Louise Lecavalier, ainsi qu’à Nicole Brossard. Entre ces deux grandes artistes, les neuf poèmes veulent atteindre la « lumière du sommeil ». Martine Audet rêvera encore longtemps.

Des formes utiles

Des formes utiles

Éditions du Noroît

96 pages

8,5/10