L’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) persiste et signe : les cotisations imposées aux auteurs ainsi que la vente de la Maison des écrivains sont vitales à sa nouvelle mission syndicale. Mais les membres auraient dû avoir accès à davantage d’information sur ces enjeux controversés, reconnaît Suzanne Aubry, présidente de l’association. « Je m’en excuse », écrit-elle dans une lettre diffusée mardi soir et que La Presse a obtenue.

Depuis le 3 juin dernier, l’UNEQ a le pouvoir et la responsabilité de négocier des ententes collectives en vertu de la nouvelle Loi sur le statut de l’artiste.

La missive de la présidente transmise aux membres est accompagnée d’un guide de 37 pages en prévision d’une assemblée générale extraordinaire, le 29 mars prochain. Les cotisations syndicales et la vente de la Maison des écrivains, deux sujets épineux, y seront débattues et soumises au vote.

« On a travaillé très, très fort pour l’adoption de la Loi [sur le statut de l’artiste], explique Mme Aubry en entrevue téléphonique avec La Presse. Une fois qu’elle a été adoptée, on voulait mettre sur pied le plus tôt possible le processus de négociations. On a constaté qu’il y avait un changement de plaques tectoniques. On a pensé que des réunions d’information suffiraient, mais on a eu tort là-dessus. »

Les retenues exigées, soit 2,5 % des revenus pour les membres et 5 % pour les non-membres, ont été entérinées en juin 2022 lors d’une assemblée virtuelle où seuls 46 votants étaient présents. Des autrices et auteurs sont montés au créneau, accusant l’association syndicale d’agir sans concertation.

Sous le feu des critiques en plein temps des Fêtes, la présidente a-t-elle eu envie d’abandonner ? « Non, mais ç’a été très éprouvant, dit-elle. Le directeur général, le conseil d’administration et moi avons été particulièrement sur la sellette. Ce n’est pas qu’on n’accepte pas la critique, mais l’ampleur que ça peut prendre dans les réseaux sociaux, c’est intense. » Elle espère un changement de ton pour la suite.

Des dépenses supplémentaires

Dans le guide exhaustif remis aux membres, l’UNEQ réitère la nécessité de percevoir des cotisations syndicales. L’association explique devoir « financer les charges directes des différentes tables de négociations : personnel, consultations de membres, conseillers juridiques, éventuels recours au tribunal, etc. » Les embauches coûteront de 250 000 $ à 400 000 $ dans les deux ou trois prochaines années, prévoit-elle.

Des rencontres ont déjà eu lieu avec l’Association nationale des éditeurs de livres et Sogides, groupe d’éditions de Québecor.

Les taux de cotisations proposés, différents pour les membres et les non-membres, s’inspirent « des pratiques existantes chez certains syndicats d’artistes », explique le conseil d’administration, qui dit jongler avec des finances « fragiles ».

« Dans l’hypothèse où les membres décident qu’il n’y a pas de cotisations syndicales, ça va devenir très difficile pour nous de jouer notre rôle de syndicat », prévient en entrevue Mme Aubry, optimiste quant à l’issue du scrutin.

Selon les résultats, l’UNEQ n’exclut pas une affiliation syndicale ; elle étudie une proposition de la FNCC-CSN reçue en novembre dernier. Si elle est retenue, les membres se prononceront en assemblée.

Maison des écrivains

Quant à la Maison des écrivains, autre dossier sensible, l’UNEQ justifie sa vente en invoquant d’importants coûts d’exploitation et de travaux. Selon un rapport d’inspection, ceux-ci touchent notamment la maçonnerie, l’électricité et les fondations du bâtiment historique, pour une facture estimée à 200 000 $.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

La Maison des écrivains

« Il faudrait compter également des travaux de mise en conformité (accessibilité et sécurité) dans l’hypothèse où la Maison des écrivains continuerait à accueillir du public », lit-on dans le guide.

Depuis 2020, dans un contexte pandémique, la Maison des écrivains a coûté annuellement de 50 000 à 60 000 $. Si des évènements littéraires s’y tenaient à nouveau, la facture grimperait à environ 170 000 $ par année de 2023 à 2027, selon l’organisme. La mise à niveau du bâtiment et l’embauche de personnel occuperaient les principaux postes de dépense.

Dans le cas où le bâtiment n’hébergerait plus d’activités publiques, ce qui mettrait en péril une exemption de taxes foncières, les coûts annuels oscilleraient entre 90 000 et 160 000 $ dans les quatre prochaines années, calcule l’UNEQ.

La vente a été une décision « très difficile », assure la présidente en entrevue. « Je suis attachée à cette maison-là, et le conseil aussi. Mais c’est évident qu’avec la situation financière qu’on vit et les obligations liées aux négociations d’ententes collectives, on [continuerait d’être] en déficit chronique. »

La location d’un espace de 1400 pi⁠2 dans les locaux de l’Union des artistes, où l’UNEQ compte s’installer, doit coûter autour de 48 500 $ la première année.

« La Maison des écrivains n’est pas le seul moyen pour faire rayonner la littérature québécoise », peut-on lire dans le guide préparatoire de l’UNEQ, qui liste de nombreuses activités organisées dans d’autres lieux et en ligne. En outre, l’immeuble du square Saint-Louis « pourrait devenir un lieu de diffusion littéraire », note Suzanne Aubry. « On en parle ! »

En savoir plus
  • De 1 400 000 $ à 1 600 000 $
    Valeur marchande de la Maison des écrivains, selon un évaluateur agréé retenu par l’UNEQ