Son nouveau roman, Une belle vie, est une délicieuse lecture d’été qui sonde les liens entre deux sœurs, le temps d’une semaine de vacances au Pays basque français. Nous avons joint Virginie Grimaldi à Bordeaux, en France, pour lui parler de ce titre empreint de tendresse et de nostalgie.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce roman sur ces deux sœurs qui ne se sont pas parlé pendant cinq ans et qui renouent dans la maison de leur grand-mère, où elles ont passé leurs plus beaux étés ?

Il se trouve que j’ai une petite sœur que j’aime énormément, qui est ma meilleure amie, et cette relation m’a toujours fascinée. La relation entre frères et sœurs, c’est quelque chose de tellement particulier, qu’on ne choisit pas et qui peut nous rendre malheureux comme elle peut nous rendre heureux, mais qui nous positionne pour la vie. J’ai toujours été la grande sœur, encore aujourd’hui. Et j’ai toujours grandi avec cette peur de perdre ma sœur parce que quand j’étais au collège, il y a une copine qui m’avait lu les lignes de la main et qui m’avait montré la ligne de vie, la ligne de cœur, tout ça. Quand j’étais rentrée chez moi – ma sœur était petite, elle devait avoir 7 ou 8 ans –, je lui avais dit : fais voir, je vais te lire les lignes de la main. Sa ligne de vie était super courte, ça m’a terrorisée ! J’ai grandi en me disant que ma sœur va mourir très jeune, que je vais la perdre même si elle est tellement importante dans ma vie.

Vous dédiez d’ailleurs ce roman à votre sœur. Est-ce que votre relation ressemble à celle entre Emma et Agathe qui, malgré leur éloignement, est faite de complicité, de camaraderie et de bienveillance ?

Oui et non. Il y a un peu de nous, beaucoup de souvenirs qui nous appartiennent et d’autres qui ne nous appartiennent pas du tout. Je ne ressemble pas forcément à Emma, qui est plutôt psychorigide et sérieuse ; j’ai plus la liberté et l’humour d’Agathe. Il y a des tempéraments qui nous ressemblent, donc il y a de nous, mais c’est une fiction. C’est comme ça que je fonctionne : mes romans sont des fictions dans lesquelles je glisse de la réalité.

Au début de leurs retrouvailles, Agathe se dit convaincue qu’on peut aimer quelqu’un et ne pas le supporter. Est-il toujours possible de se retrouver quand on partage des souvenirs d’enfance, mais qu’on a des vies et des tempéraments opposés ?

Je pense que ça lie irrémédiablement. Quand on partage la même enfance et, qui plus est, les mêmes parents, la même famille, il y a forcément un lien. Mais je connais beaucoup de frères et de sœurs autour de moi qui ne se parlent plus et qui, certainement, sont trop différents pour se reparler et s’entendre un jour. Donc je ne suis pas sûre que ça peut nous faire surpasser toutes les différences et les mésententes. Ce dont je suis sûre, en revanche, c’est que quand on a un tempérament nostalgique, qu’on est très ancré dans l’enfance, comme c’est mon cas, il y a toujours ce lien, ces souvenirs qui peuvent effacer le reste. Ça nous est arrivé, avec ma sœur, d’avoir des mésententes, de nous éloigner à certains moments, de ne plus nous comprendre, de ne plus nous parler ; et ça nous arrivera encore, sans doute. La maladie de notre père nous a beaucoup rapprochées. Donc je crois que ça crée un socle commun, un lien, et c’est ça que j’avais envie d’explorer dans mon roman. Ce lien-là, il existera toujours, qu’on le veuille ou non. Mais on n’est pas obligé de supporter sa famille sous prétexte que c’est sa famille, de vivre avec ses frères et sœurs si on ne s’entend pas avec eux et si on est irréconciliables. En tout cas, ce n’est pas une leçon que j’ai voulu donner ou une morale. J’ai voulu raconter cette histoire-là, mais elle n’est en aucun cas un exemple à suivre ou un chemin universel.

En discutant avec sa sœur, Emma en vient à la conclusion qu’elle a une belle vie, en fin de compte. Est-ce qu’on a tendance, parfois, à chercher trop loin la définition d’une belle vie ?

J’ai une part très angoissée, très sombre, et ça serait bien pratique d’arriver à tirer des enseignements de chaque épreuve qu’on traverse. Mais c’est vrai que, parfois, quand on vit des épreuves, on se rend compte qu’en fait, on a beaucoup de chance et que la belle vie, on peut l’avoir au quotidien, qu’on n’est pas obligé d’avoir mieux. Je m’en suis rendu compte, il y a une dizaine d’années. Je me disais toujours : « quand je serai plus mince, quand je serai plus riche… » On reporte toujours le bonheur, finalement. Je ne sais pas ce que c’est exactement, le bonheur ou une belle vie, mais je crois quand même que dans chaque journée, on peut piocher des petits moments de bonheur. Et ça, c’est quelque chose que j’essaie vraiment de cultiver. Ce qui m’effraie le plus, en fait, c’est d’arriver à la fin de ma vie, de me retourner et de me dire : ce n’était pas si mal, mais je ne m’en suis pas rendu compte.

Une belle vie

Une belle vie

Édito

336 pages