Voilà une nouveauté littéraire qui s’annonce pimentée : 10 femmes prennent la plume ces jours-ci pour proposer un collectif coquin, par et pour les femmes, loin, très loin, des clichés pornographiques usuels.

Nuits magiques, en librairie mercredi, est une idée originale de Laurie Dupont, qui a su convaincre – apparemment sans la moindre peine – des femmes de tous les âges et de tous les « spectres des possibles » de pondre un texte fictif (ou non !) conjuguant désir et plaisir. Avis aux intéressées, c’est frontal, quoique jamais vulgaire, audacieux et évidemment totalement assumé. En prime, on l’espère, un brin inspirant.

« Il y a des choses qui sont vraies et d’autres qui ne sont pas vraies, mais personne n’a besoin de le savoir », pouffe de rire la verbomotrice directrice, également directrice des contenus culturels et société des magazines Elle Québec et Véro, rencontrée à ses bureaux. Elle signe par ailleurs un texte assez émoustillant merci, sur une soirée en toute intimité… avec elle-même. « Ça a pris du temps avant que je l’annonce à mes parents, concède-t-elle en riant toujours. Mais sinon, je n’ai plus peur de rien. »

Redonner le pouvoir

C’est précisément le but ici : en finir avec ce tabou mal placé, et surtout, redonner le pouvoir aux femmes, sur leur propre sexualité. « L’intimité des femmes n’est pas représentée dans la fiction en général, et quand elle l’est, c’est toujours dans le regard des hommes. J’en avais marre de ça », poursuit Laurie Dupont, en expliquant sa démarche, déboulonnant ce faisant le sacro-saint male gaze. « La plupart des collectifs de nouvelles sexu sont dirigés par des hommes et souvent, eh bien, je ne m’y reconnais pas tant que ça. » Pensez : détails graphiques, souvent pornographiques, avec des filles « nounounes » qui succombent au joug d’un gars. Sans y aller par quatre chemins, elle a carrément proposé à ses collaboratrices de « reprendre leur pouvoir ».

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Laurie Dupont

Qu’est-ce qui vous donnerait le goût de lire ce livre à une main ?

Laurie Dupont, directrice du collectif

Ça a le mérite d’être clair.

Il faut savoir que cette dernière, après un détour en sexologie et un boulot comme libraire, a toujours rêvé de signer un livre. Coïncidence ? À l’université, elle suit même un cours avec Mélodie Nelson (à qui l’on doit notamment l’autobiographie Escorte et qui signe en outre une nouvelle du recueil), à qui elle voue une admiration sans borne : « Elle avait l’air assumée, sans le joug d’un pimp weird, ça avait marqué mon imaginaire, se souvient Laurie Dupont. J’avais le goût d’être elle ! On s’entend maman, je n’aurais jamais fait ça, mais c’était fantasmé… » Et c’est ce côté « assumé », donc, que Laurie Dupont revendique avec ce livre, pour elle, ses autrices, et bien sûr ses lecteurs (lectrices !).

Est-ce nécessaire de le préciser ? Elle ne s’est entourée dans ce projet que de femmes, de la direction artistique à la correction, en passant bien sûr par les autrices. Celles-ci signent des textes archivariés, tantôt graphiques, tantôt plutôt sensuels, libérés et, en prime, toujours littéraires. « Je suis agréablement surprise, confirme Laurie Dupont, ce n’est pas ce à quoi on s’attend, mais oui, c’est littéraire. »

Il faut dire qu’elle est allée chercher les bonnes plumes, dont plusieurs ont fait leurs preuves (Mélodie Nelson donc, Valérie Chevalier, Rosalie Bonenfant, etc.) D’autres, notamment Guylaine Guay, avec un texte quasi poétique sur la vulve, sont de vrais coups de cœur. Si l’ensemble constitue un bel objet coquin, il y a aussi une franche réflexion et quelques remises en question, en filigrane ici ou là. Mention spéciale au texte de Laïma Abouraja Gérald (Urbania) qui réfléchit tout haut sur cet art de donner, mais aussi de recevoir (parfois si compliqué).

À noter qu’aucun récit ne fait même mention d’agression. Et c’est évidemment voulu. « Je voulais que ce soit le beau de la sexualité des femmes, point, indique Laurie Dupont. La sexualité queer, en groupe, seule, avec une femme, un homme, que la pluralité soit là, mais c’était super important pour moi que ce soit positif. » Pour cause : on est là pour fièrement lire à une main, souvenez-vous !

En librairie le 13 septembre

Nuits magiques

Nuits magiques

KO Éditions

148 pages