Elle n’aura pas d’enfants. Non, ce n’est pas exactement un choix. Alors, écoutez-la, parce que Catherine Gauthier, qui signe un puissant roman graphique quasi introspectif sur le sujet, en a long à raconter.

Je pense que j’en aurai pas, lancé ces jours-ci dans la collection Quai no 5 des éditions XYZ, est un récit de peu de mots, mais quantité d’illustrations, sur une question archi-émotive dont on parle encore bien peu : la « nulliparité involontaire ».

L’expression, assez moche merci, fait grimacer l’autrice, rencontrée à quelques heures de son lancement, dans son petit appartement ensoleillé de Rosemont. Debout dans sa cuisine immaculée, entourée de ses plantes et de ses deux chats (pardonnez le cliché, mais c’est un fait), elle se confie doucement. « Je n’aime pas ce mot, mais j’essaye de me le réapproprier », sourit-elle.

Transparence totale : l’autrice de ces lignes a quant à elle trois enfants, et souvent le double, avec son amoureux, sous son toit. Disons qu’un monde sépare nos réalités. N’empêche : on a l’impression de la connaître, tant son roman, illustré en noir et blanc, raconte sa vie et son cheminement, intimement. Il faut dire que ses émotions, jusque dans ses longs silences, sont fort habilement racontées.

  • « Mi-trentaine, je me suis rendu compte que la maternité n’allait pas faire partie de mon futur immédiat », résume Catherine Gauthier.

    IMAGES FOURNIES PAR LA MAISON D’ÉDITION

    « Mi-trentaine, je me suis rendu compte que la maternité n’allait pas faire partie de mon futur immédiat », résume Catherine Gauthier.

  • « Mi-trentaine, je me suis rendu compte que la maternité n’allait pas faire partie de mon futur immédiat », résume Catherine Gauthier.

    IMAGES FOURNIES PAR LA MAISON D’ÉDITION

    « Mi-trentaine, je me suis rendu compte que la maternité n’allait pas faire partie de mon futur immédiat », résume Catherine Gauthier.

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« Mi-trentaine, je me suis rendu compte que la maternité n’allait pas faire partie de mon futur immédiat », résume-t-elle d’emblée.

C’est pour toutes les femmes qui vivent une situation semblable, assurément loin d’être inédite, que la graphiste de métier, à qui l’on doit un autre roman du genre sur la solitude, s’est remise à sa planche à dessin pour plonger dans ce récit sans filtre. « Parce qu’on en parle encore trop peu ! »

Entendons-nous : on parle effectivement de plus en plus des femmes qui n’en veulent pas. Mais c’est là un tout autre sujet. « Quand on en parle, ce sont souvent des femmes qui revendiquent le fait de ne pas en vouloir, des femmes très affirmées, commente Catherine Gauthier. Je ne me reconnaissais pas là-dedans », dit-elle.

« Moi, j’en voulais, enchaîne-t-elle, mais avec un partenaire. Je n’aurais pas eu le courage de me lancer comme maman solo, et pas à n’importe quel prix. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Catherine Gauthier

J’ai écrit pour que les femmes qui vivent cette situation se sentent comprises.

Catherine Gauthier, autrice et illustratrice

Elle commence d’ailleurs son livre en lion avec cette déclaration qui en dit long. « J’ai pas dit que j’en veux pas, j’ai dit que j’en aurai pas… » Notez la nuance qui dit tout, finalement.

Des dessins forts

Son récit, qui va de sa tendre enfance à son « acceptation », dénonce aussi le conte de fées imposé, et fait même un détour historique, par le pouvoir du clergé. « On a internalisé une certaine forme du bonheur, réfléchit-elle en entrevue, mais c’est impossible qu’il n’y ait qu’une seule formule ! »

L’autrice aborde en outre la question du temps qui passe, en posant quelques grandes et existentielles questions : quand est-ce qu’on devient adulte, peut-on être femme sans avoir des enfants, et bien évidemment, pourquoi on fait des enfants, au juste ? Y avez-vous déjà seulement pensé, vous ? On pose rarement la question à ceux qui en ont. « Mais les gens qui n’en ont pas ont tellement peu de reconnaissance… », fait-elle remarquer.

Grâce à des dessins symboliques très forts, Catherine Gauthier ose même aller une note plus loin dans l’intime, en abordant la question de sa santé mentale. Et ce n’est pas innocent. « Parce qu’au final, c’est ma réponse à moi. Pourquoi je n’ai pas eu d’enfants ? Entre autres à cause d’un épuisement professionnel : je n’ai pas la force. C’est ça qui me l’a fait accepter. Ça a tellement été gros, j’ai voulu le partager. J’avais besoin de le raconter. Si ça peut aider deux ou trois personnes, tant mieux. Moi, ça m’a aidée à mieux comprendre mon expérience. »

À noter que son récit est entrecoupé d’une série de témoignages de femmes (Patricia, Hoang, Claudine, etc.). « Parce que mon histoire à moi n’est pas dramatique. Somme toute, elle est banale, conclut humblement Catherine Gauthier. Il y en a qui ont eu un vécu plus émotif et difficile. Je voulais enrichir le portrait. » Mission accomplie.

Je pense que j’en aurai pas

Je pense que j’en aurai pas

XYZ

130 pages