Céline Dion a déjà fait un tête-à-queue sur l’autoroute, alors qu’elle revenait de tourner Des fleurs sur la neige. Son gâteau de mariage a coûté 10 000 $, et « passer un sapin à quelqu’un » signifie « l’arnaquer, le duper ». Voici quelques-unes des informations qu’on retrouve dans Dis-moi Céline, une nouvelle biographie non officielle, dont l’accouchement a suscité une controverse.

Cette biographie était particulièrement attendue, puisqu’en début d’année 2023, Hachette Canada, diffuseur de City Éditions au Québec, promettait des confidences de Céline Dion recueillies sur « plusieurs mois » par Laurence Catinot-Crost, une écrivaine française originaire de Juvisy-sur-Orge, en banlieue de Paris. L’information a circulé jusqu’à ce que l’éditeur européen publie, en août dernier, un communiqué comprenant « certaines précisions majeures ». Il confirmait qu’il s’agissait d’une « œuvre non autorisée » qui n’avait « pas été créée ou rédigée » en collaboration avec l’artiste québécoise.

Jointe par courriel, l’auteure Laurence Catinot-Crost indique qu’elle n’a « jamais prétendu avoir recueilli les confidences de madame Céline Dion ». Et pourtant, elle semble affirmer le contraire dans une entrevue accordée au groupe médiatique français La Dépêche, en février dernier. « Les maladresses commises par certains ne peuvent pas m’être imputées », nous répond-elle.

Arrivée en douceur

Dis-moi Céline débarque en douce au Québec. Sans tambour ni trompette. C’est le moins qu’on puisse dire. Hachette Canada n’a jamais été en mesure de fournir d’exemplaire physique ou PDF du bouquin aux journalistes. Responsable du service de presse de l’entreprise, Fabienne Corriveau précise que l’ouvrage est seulement offert « sur commande ». En d’autres termes, votre libraire préféré n’en tiendra pas « des tonnes de copies », comme disait une défunte chaîne de location de VHS au tournant du siècle.

Par courriel, Laurence Catinot-Crost insiste pour dire qu’elle a rédigé cette biographie « avec le plus grand respect de l’artiste », tout en précisant qu’elle avait travaillé avec « rigueur », privilégiant « la vérité historique ». L’écrivaine de 64 ans signale avoir « consacré deux années de recherche » pour l’écriture de l'ouvrage.

Après avoir épluché les 577 pages (en version électronique) de Dis-moi Céline, on comprend, en consultant les références bibliographiques, regroupées en toute dernière partie, d’où viennent les nombreuses citations orphelines de Céline Dion, René Angélil, Maman Dion et compagnie, égrainées le long des chapitres. Au total, l’auteure s’est appuyée sur 42 ouvrages, parus des deux côtés de l’Atlantique, signés par Denise Bombardier, Claudette Dion, Jean Beaunoyer et plusieurs autres.

Puisque toute l’information contenue dans Dis-moi Céline provient de biographies, des recueils et d’articles de journaux déjà publiés, les super fans de l’interprète n’apprendront pas grand-chose de nouveau en feuilletant ce livre. Mais cela ne l’empêche pas d’être riche en renseignements, lesquels sont recensés en ordre chronologique, comme une longue notice de Wikipédia, des tout débuts à Charlemagne jusqu’au protocole de soins particuliers qu’elle suivrait depuis l'hiver dernier au Minnesota pour apaiser son trouble neurologique.

En détail

Le style de Laurence Catinot-Crost est certainement limpide, mais l’auteure pèche parfois par excès de détails. Lorsqu’elle mentionne une apparition de Céline Dion dans l’émission de télévision Silence… on chante, en août 1986, elle recense chacune des chansons qu’elle propose en medley. Lorsqu’elle évoque sa publicité pour Coke Diète de 1991 avec Obélix et Idéfix, elle retranscrit son jingle entier, acrobaties vocales incluses : « C’est fou comme ça vous désaltère, c’est fou comme il est populaire… Mais avant tout, mais avant tout-tou-tou-tou-tou-tou-tou… » Et lorsqu’elle rappelle son mariage à Montréal en décembre 1994, elle recopie le menu complet, qui comprenait – avis aux curieux – des « ravioles au confit de canard de Brome et son velouté à l’oseille », ainsi qu’un « petit tartare de saumon et fines lamelles fumées aux cinq poivres à la quenelle de caviar ».

Avait-on besoin d’autant de précisions ? Peut-être pas. Mais d’un autre côté, cette surenchère d’infos nous permet d’apprendre que Céline Dion avait besoin de 12 heures de sommeil en début de carrière, qu’elle a déjà été la maîtresse d’une chatte nommée Isis, et qu’après s’être fait couper les cheveux courts en 1993, elle a porté une perruque pendant quelques mois pour éviter de déstabiliser son public, qui aimait sa longue crinière.

Autre anecdote digne de mention : lors d’un concert privé à Mar-a-Lago en 1996, Donald Trump l’a présentée comme l’un des plus grands talents des États-Unis. Comme quoi, les spins de l’ancien président des États-Unis ne datent pas d’hier.

Quant au tête-à-queue qu’elle a effectué en voiture en 1990, après avoir tenté de doubler le neveu de René Angélil, elle s’en est sortie indemne. On ne peut toutefois pas en dire autant de sa voiture, qui était « très amochée », apparemment.

Destiné au public français

Dis-moi Céline risque d’agacer les lecteurs québécois sur quelques points, notamment lorsque son auteure dévie du récit (Céline Dion entame sa tournée Incognito à Rouyn-Noranda) pour rappeler la petite histoire de l’Abitibi-Témiscamingue, une « immense région du Canada, peu peuplée, aux nombreux lacs », « théâtre de rivalités commerciales » et « premier poste de traite de fourrures français, établi en 1720 ». Les Laurentides subissent le même traitement, quelques pages plus loin.

Le public français accueillera sans doute ces compléments d’information avec plus d’enthousiasme.

Les notes de bas de page devraient également provoquer des roulements d’yeux au Québec, plus précisément celles qui viennent expliquer chaque expression locale. Ainsi, on souligne que « beurrer épais » signifie « exagérer, en faire trop », que « travailler fort en titi » veut dire « beaucoup, en grande quantité », que « péter au frette » signifie « mourir, tomber d’épuisement », qu’« avoir les yeux dans graisse de bines » veut dire « se lever fatigué », et qu’une « toune » est synonyme de « chanson ».

Un mot concernant la préface du livre Dis-moi Céline : elle est signée par l’auteur-compositeur-interprète français Hugues Aufray, puisque la diva de Las Vegas est prénommée d’après son grand succès de 1966, Céline.

Dis-moi Céline

Dis-moi Céline

City Éditions, distribué au Québec par Hachette Canada