Martin Michaud est de retour en librairie avec un nouveau polar, Points de fuite – premier tome d’un triptyque sans Victor Lessard, mais avec tout autant de suspense et de rebondissements que dans sa célèbre série policière. Nous en avons discuté avec lui.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’amorcer une trilogie qui plonge dans le milieu de l’art et des faussaires des années 1990, entre Montréal et Baie-Saint-Paul, tout en revisitant le « vol du siècle » qui a été perpétré au Musée des beaux-arts de Montréal en 1972 ?

Chacun de mes 11 romans part toujours d’une préoccupation personnelle. Points de fuite part de mes observations sur notre monde actuel, sur notre perte de repères, sur tout le débat qui a suivi l’élection de [Donald] Trump et tout ce qui concerne le phénomène des fausses nouvelles. […] Tout ça m’a amené à me poser des questions sur notre perception de la réalité. Et je n’avais pas envie d’aborder ces questions-là dans une intrigue contemporaine parce que je ne considère pas que j’ai le recul pour les mettre en abyme. Le contexte de l’art, de la peinture et des faux tableaux offre déjà cette métaphore et je trouvais intéressant d’avoir un peu de recul par rapport aux technologies et de camper l’intrigue dans un monde plus déconnecté.

À quoi peut-on s’attendre dans les deux prochains tomes ?

Dans la série avec Victor Lessard, on est dans une cellule d’enquête et on suit un enquêteur qui, avec sa partenaire Jacinthe Taillon, essaie d’élucider des crimes. Ici, le focus est différent. Oui, il y a Alice, qui est notre personnage principal avec sa famille, mais il y a également les antagonistes, et cette pluralité de points de vue en fait un roman choral. Et c’est ce que j’ai envie de continuer à mettre en scène dans les deuxième et troisième tomes. Évidemment, on a le fameux vol au Musée des beaux-arts et il y a un personnage là-dedans qui va revenir. […] Mais Alice va continuer à plonger dans ce labyrinthe et trouver sa vérité pour sortir de l’orbite que ses parents ont imprimée à sa vie, contre son gré. On va aussi comprendre le chemin que les œuvres volées en 1972 ont parcouru.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

L’auteur Martin Michaud

Est-ce que ça veut dire qu’il n’y aura pas de roman policier avec Victor Lessard prochainement ?

Ce serait, entre guillemets, plus facile pour moi de continuer à alimenter [cette série] – et sans doute plus rassurant pour mes angoisses d’écrivain [rires] ! Je ne me questionnerais pas : est-ce que les lecteurs vont me suivre ? J’ai écrit six romans avec Victor Lessard jusqu’à maintenant et je n’ai pas envie de brûler cette série en me mettant sur le pilote automatique. Donc si je décide de revenir écrire une histoire qui met en scène Jacinthe et Victor, c’est parce que j’ai quelque chose à dire. Pour moi, la plus grande qualité d’un écrivain, d’un scénariste, d’un artiste, c’est la curiosité. Et c’est ça qui m’anime. Et iI y a des histoires que j’ai envie de raconter qui ne peuvent pas être racontées sous l’angle de cette série.

Vous avez exercé pendant 20 ans comme avocat avant de vous consacrer à l’écriture. Avec le recul, comment cette expérience vous a-t-elle servi ?

Ça va faire presque 15 ans que je fais ce métier d’écrire. J’ai fait une maîtrise en droit à l’époque où on parlait de l’internet comme des autoroutes électroniques. Après ça, j’ai travaillé en technologie de l’information pendant une vingtaine d’années. Ça m’a permis de rencontrer plein de personnes intéressantes, d’avoir une stabilité ; j’avais de jeunes enfants, ça m’a permis d’avoir un toit au-dessus de la tête, et c’était stimulant intellectuellement. Cela étant dit, j’ai pendant longtemps pensé que je passais à côté de ma vie quand j’étais pris dans le tourbillon de ce métier parce que j’écrivais en parallèle et j’avais cette espèce de conviction à l’intérieur de moi qu’il y avait autre chose ; mais en même temps, je me rends compte aujourd’hui que ces 20 ans ont été tellement nécessaires. C’est tout le coffre d’outils que j’ai développé. J’étais un avocat qui rédigeait des contrats complexes, des espèces de grosses briques avec plein d’annexes techniques. Il fallait que le contrat soit bien attaché parce que la virgule mal placée peut coûter potentiellement des dizaines de milliers de dollars à ton client. Et c’est un peu ça, un roman policier, un thriller : une grosse mécanique où tout est relié et où il faut soigner les détails.

Points de fuite

Points de fuite

Libre Expression

472 pages