(Paris) La romancière française Neige Sinno a remporté lundi le prix Femina du roman français pour Triste tigre (éditions POL), récit de l’inceste dont elle a été victime enfant, et essai sur les violences sexuelles.

Neige Sinno, 46 ans qui partait favorite de ce prix, a recueilli au premier tour neuf voix sur 12, de la part du jury exclusivement féminin.

« Le sujet que traite mon livre, ce n’est pas un sujet ni de femme, ni d’homme, ni d’autre », a-t-elle déclaré après la proclamation du prix, au musée Carnavalet à Paris.

« Cela me rappelle ma soutenance de thèse où il n’y avait aussi que des femmes dans les professeurs. […] C’est une fierté, en plus, d’être encouragée », a-t-elle ajouté.

Neige Sinno est également finaliste du prix Goncourt décerné mardi. Elle ne devrait pas recevoir de grand prix littéraire français d’automne un deuxième jour consécutif, ce qui laisse a priori trois lauréats possibles : Jean-Baptiste Andrea, Gaspard Kœnig et Eric Reinhardt.

Neige Sinno, docteure es lettres à 28 ans, a choisi pour sa carrière l’émigration, loin des Hautes-Alpes (sud-est de la France) où elle a grandi. Elle enseigne aujourd’hui dans une branche de l’Université nationale autonome du Mexique, à Morelia. Elle a une fille.

Avant Triste tigre, elle était passée quasi inaperçue dans la littérature, avec un recueil de nouvelles en 2007 (La Vie des rats) et un roman en 2018 (Le Camion), publiés par de petits éditeurs.

Ce troisième livre a fait l’unanimité parmi la critique littéraire. Il avait pourtant été refusé par plusieurs concurrents des éditions POL, avant qu’elle ne le transmette à cette maison qui s’est empressée de lui offrir un contrat.

Le prix Femina du roman étranger a été décerné à l’Américaine Louise Erdrich, 69 ans, pour La sentence (Albin Michel), histoire d’une libraire amérindienne confrontée aux fantômes du passé et au racisme du présent.

Présente lors de la remise du prix, l’autrice a rappelé qu’elle tenait comme l’héroïne du roman une librairie à Minneapolis, dans le nord des États-Unis, consacrée à la littérature autochtone. « C’est aussi un lieu hanté », a-t-elle souligné.

La romancière américaine a obtenu sept voix sur 12 au premier tour.

Enfin, le jury a attribué son prix de l’essai, par neuf voix au premier tour, au chercheur français Hugo Micheron, 35 ans, un spécialiste du djihadisme, pour La colère et l’oubli (Gallimard). L’essai se penche sur les mouvements islamistes radicaux et violents en Europe après l’effondrement de l’organisation État islamique en Syrie.

L’auteur s’est dit heureux de la consécration de « trois ans de travail ». « Pour moi, un livre, c’est féminin. Et recevoir ce prix, c’est pour moi la plus belle récompense », a-t-il affirmé.