Même si le dernier recueil de nouvelles de l’incontournable Gilles Archambault s’intitule Vivre à feu doux, ce sont surtout les effluves d’un départ imminent qui émanent de ces pages.

Rien de macabre cependant, mais au gré de ces portraits subliminalement esquissés, comme autant de tranches de vie d’une extrême finesse, on goûte l’amertume de personnages qui, sentant le terminus approcher à basse vitesse, aux prises avec une situation leur rappelant la victoire inéluctable de Chronos, ou tout simplement empêtrés dans une crise existentielle, jettent un regard sur des moments, des décisions ou des tournants qui ont marqué leur vie ; si c’était à refaire, emprunteraient-ils le même chemin ?

Le creux de l’hiver n’aurait pu être meilleure saison pour lancer ce livre entre les mains du public, puisqu’il en incarne parfaitement l’esprit. La froideur d’un regret, la morsure d’une rupture, le frisson d’un souvenir qui refait surface sans crier gare. Nos quotidiens ordinaires, une fois aperçus dans nos rétroviseurs mentaux, sont-ils tant empreints de banalité ?

« Lumineux » est un adjectif cliché que l’on aime ressortir pour qualifier un ouvrage qui nous a séduits. Il restera néanmoins dans les tiroirs concernant Vivre à feu doux, aux airs graves, comme autant de nuages grisâtres un jour de funérailles.

Sombre, certes, mais sans pour autant nous condamner aux ténèbres ; car cette galerie de personnages qui doutent et méditent nous invite fatalement à nous interroger, dès aujourd’hui, sur l’emploi du maigre temps qui nous est accordé ici-bas. Surtout, même s’il y est question de soi comme point de départ, les pensées finissent toujours par se tourner vers autrui.

La nouvelle est généralement un exercice aiguillé par une trame gagnante : un moment fort, un tournant, une chute percutante. On retrouve ici cette formule efficacement appliquée, dans un format à la brièveté saisissante, nous servant des parenthèses aussitôt refermées, s’étalant sur deux à trois pages ; quatre, tout au plus, le tout enrobé dans une centaine de feuillets. Pas de doute, il y a dans ces nouvelles-éclair de faux airs de haïkus composés sur des thèmes existentiels.

On aurait pu craindre que ces passages à vi(d)e fussent exposés avec une écriture ridée, essoufflée, en voie d’extinction. C’est au contraire un rythme vivant, étincelant et animé qui sert une narration mûre, mais dissimulant plutôt bien son âge. Ne reste plus qu’à lire ces éclairs à feu vif.

Vivre à feu doux

Vivre à feu doux

Boréal

112 pages

8/10