Naissance de Rebecca à l'ère des tourments poursuit l'ambitieuse série inaugurée avec Soifs (1995). Tel Atlas, Marie-Claire Blais porte sur son dos le poids de l'histoire par le truchement de personnages hantés par les fautes de leurs aïeuls et l'angoisse de l'héritage qu'ils lèguent à leurs enfants, un monde pollué, gangrené par la violence.

Obsédé par les images du passé, des guerres aux génocides en passant par le viol des enfants et l'esclavage, l'homme semble être tombé dans une souricière de filières et de contamination où l'indifférence n'est plus une issue. Au sujet des meurtriers, Augustino s'interroge: «Ces tares n'adhéraient-elles pas à la peau de chaque nouveau-né, ce sang de la haine ne refluait-il pas vers nos veines?»L'art, l'aide humanitaire et la spiritualité offrent des voies de résistance, mais l'humanité semble assaillie par une criante impuissance, si ce n'est la compassion, seul espoir au fond des ténèbres.

Solitaires, les personnages issus de l'ère individualiste nagent dans une mer commune. Fait d'infinies passerelles, le roman fuit les frontières, à l'image de la mondialisation. Le passage fluide d'un narrateur à l'autre crée un tissu humain aux mille visages, une filiation universelle, clé de voûte de cet édifice romanesque.

Résolument politique, le roman crie l'urgence de sauver les générations futures, car «il n'y a que nos enfants pour nous rendre meilleurs».

Naissance de Rebecca à l'ère des tourments

Marie-Claire Blais, Boréal, 2008, 304 pages, 25.95$