Voilà quelques années, l'épouse de William Paul Young lui a demandé d'écrire un roman pour expliquer sa pensée à leurs six enfants. Ce qu'elle voulait, plus précisément, c'est que son époux leur explique que Dieu n'est pas jaloux, capricieux ou méchant, et qu'il passe volontiers l'éponge sur les travers, grands et petits, de ses ouailles.

«J'écrivais souvent des nouvelles ou des poèmes que j'offrais en cadeau à mes parents et amis, alors je me suis dit pourquoi pas», dit M. Young, joint en Oregon. «J'ai mis les bouchées doubles et j'ai pu finir le livre à temps pour Noël. J'ai fait une quinzaine de copies et j'ai considéré la tâche accomplie.»

 

C'était en 2005. Le mécanicien qui tirait le diable par la queue ne pouvait pas s'imaginer que trois ans plus tard, son livre atteindrait les cinq millions d'exemplaires vendus, grâce à un incroyable phénomène de bouche à oreille qui, de chapelle en sacristie, a forcé le monde de l'édition à s'intéresser à son roman, Le shack.

Le livre relate la rencontre de Mack, un père endeuillé depuis que sa petite fille s'est fait sauvagement violer et massacrer dans «le shack» du titre. À la suite d'une invitation mystérieuse, il y retourne et y rencontre Dieu, une femme noire, Jésus, un juif plutôt col bleu, et l'Esprit saint, un hindou. Ensemble, ils lui expliquent que le secret de la vie est d'avoir une bonté infinie, et que le jugement dernier signifie que l'homme se juge lui-même.

Le succès du livre a suscité un intense débat chez les théologiens amateurs et professionnels, à propos des libertés que prend M. Young avec les concepts chrétiens - certains vont même jusqu'à parler d'hérésies.

Pourquoi avoir enraciné l'histoire dans un crime si horrible? «Je crois qu'on ne grandit vraiment qu'à partir des tragédies, dit M. Young. Je voulais aussi que mes enfants sachent comment réagir s'il leur arrive quelque chose de vraiment tragique et que je ne suis plus là pour les aider. Mais à la base, la tragédie est quelque chose que je traîne en moi depuis mon enfance.»

 

Enfance douloureuse

Car le nouveau romancier a bel et bien eu une enfance difficile. Né à Grande Prairie en Alberta, il est parti à l'âge de 10 mois avec ses parents pour la Nouvelle-Guinée, où il a été agressé sexuellement par les ouailles de son père pasteur. Ce dernier ne voulait pas le croire et l'a envoyé dans un pensionnat où il a reçu d'autres mauvais traitements. Dès qu'il a pu, il est rentré au Canada. Comble de malchance, alors qu'il travaillait d'arrache-pied l'été dans les sables bitumineux pour payer ses études, il a dû y mettre un terme parce que son université lui a retiré sa bourse. Il est parti pour l'Oregon, où il a rencontré sa femme.

Ses démons sont demeurés enfouis jusqu'à l'âge de 38 ans, quand ils l'ont amené à commettre l'adultère. «Ma femme m'a confronté et m'a aidé à devenir meilleur. Ce qui se passe durant une fin de semaine dans mon livre, c'est l'équivalent des 11 années entre l'adultère et l'écriture.»

Trouve-t-il que les États-Unis sont plus propices que le Canada à l'écriture d'un livre aussi spirituel que le sien? «Je n'aime pas la religion organisée. L'Oregon est l'État où la pratique religieuse est la plus basse, et pourtant je trouve que les gens sont intéressés par les discussions sur Dieu, sur Jésus, sur le sens de la vie et de la mort. Pour moi, les églises se trouvent n'importent où, même dans une cuisine où on partage un repas avec des amis. C'est pour cette raison que j'ai inclus la trinité dans le shack: pour moi, la base de la foi, c'est la certitude que Dieu est là pour aimer, pour faciliter les relations avec les autres.»

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Le shack

W. Paul Young

Le jour, 331 pages, 24,95$

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